Terme | Définitions |
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GRAND ŒUVRE | [Canseliet, E., Alchimie, Pauvert, 1964, p. 68] 1 – TOUT EST BON […]. Cette simple déclaration […] met en garde contre la première manifestation, brillante et splendide, qui, le séduisant au début de son ouvrage, pourrait le conduire à rejeter la partie obscure et très humble, paraissant autant inutile que privée de toute valeur. [van Lennep, J., Alchimie, Crédit Communal, 1984, p. 28] 2 – Les processus alchimiques consistaient donc en une rotation des étapes où la matière était tour à tour volatilisée et précipitée, jusqu’à ce que de corps et impur, elle devienne pur esprit (au sens chimique et symbolique). « Tout le procédé philosophique consiste dans la solution du corps et la congélation de l’esprit, et tout se fait par une même opération. Le fixe et le volatil se mêlent intimement, mais cela ne peut se faire si le fixe n’est auparavant volatilisé. L’un et l’autre s’embrassent enfin, et par la réduction ils deviennent absolument fixes. » Voici quelles pouvaient être les opérations au cours de ces étapes : 1/ La calcination (correspondant au Bélier) encore appelée incinération ou mortification, consistait à pulvériser, à réduire la matière première en cendre par le feu. Ces résidus pouvaient être appelés ‘fleurs’, ‘chaux’ ou ‘terre’. 2/ La congélation (correspondant au Taureau) encore appelée coagulation consistait à évacuer des substances, leurs eaux, à le dessécher, à la réduire en ‘terre’, à cristalliser des sels métalliques, ou combiner le soufre et le mercure. 3/ La fixation (correspondant au Gémeaux) consistait à cuire la matière après sa calcination, de manière à ce qu’elle résiste au feu le plus violent et que ses éléments fixes ne se volatilisent plus. 4/ La dissolution (correspondant au Cancer), encore appelée solution et assimilée à la putréfaction, ou inhumation qui souvent lui succède, consistait à dissoudre, à liquéfier la matière par l’effet de sa chaleur tempérée ou d’un dissolvant. Détruisant la forme de la matière, elle était assimilée à la corruption par la mort. Elle fut parfois placée en premier lieu. 5/ La digestion (correspondant au Lion) était en fait une opération qui se répétait et pouvait être assimilée à plusieurs autres. Elle consistait à mélanger deux fluides pour accélérer la circulation dans le vase. 6/ La distillation (correspondant à la Vierge), encore appelée cohobation, ablution, imbibition, consistait à séparer les parties subtiles de la matière, à séparer le volatil du fixe, à les faire circuler dans le vase ‘luté’ hermétiquement. Elle comprenait l’ascension ou la descension selon que le produit montait ou descendait dans le vase. 7/ La sublimation (correspondant à la Balance), encore appelée exaltation, ne correspondait pas à l’ascension précipitée, mais à l’épuration de la matière de ses composants hétérogènes. En ce sens elle était proche de la distillation. Il s’agissait de faire adhérer les substances sèches à la paroi du vase. 8/ La séparation (correspondant au Scorpion) était le résultat de l’effet d’un dissolvant qui séparait les éléments de leur matière. De manière générale, elle consistait à séparer le fixe du volatil, le corps de l’âme. 9/ La cération (correspondant au Sagittaire) consistait à augmenter la matière au détriment de son eau, à lui donner plus de corps. 10/ La fermentation (correspondant au Capricorne) désignait l’action de l’air sur la matière pour en désunir les parties et en altérer la forme, le corps. Elle se faisait dans un vase ouvert (non luté), à l’air libre. 11/ La multiplication (correspondant au Verseau) encore appelée itération, ne pouvait se faire qu’avec la pierre philosophale. Les opérations précédentes devaient être reproduites mais avec la matière perfectionnée qu’elles avaient permis d’obtenir à partir des matières crues. Elles permettaient de multiplier en qualité et en quantité la poudre de projection obtenue à partir de la pierre. 12/ Lors de la projection (correspondant aux Poissons) le résultat des expériences, la poudre était projetée sur un métal imparfait en fusion et le transmutait en argent ou en or. Cet ordre est très aléatoire, ainsi que le nombre d’opérations qui n’était pas immuable. L’on doit y ajouter des opérations qui les recoupent peut-être : - La conjonction qui était double lorsque l’alchimiste unissait le subtil et l’épais, le soufre au mercure, le fixe et le volatil : triple lorsqu’il réunissait trois choses qu’il désignait comme étant le corps, l’âme et l’esprit (c’est-à-dire le soufre, le mercure et le sel mais qu’il ne faut jamais confondre avec ces produits), quadruple lorsqu’il unissait lesquatre éléments en un seul, quel qu’il soit. - La cibation ou nutrition de la matière sèche avec son propre « lait » c’est-à-dire la précipitation du distillat sur la matière qui la produisait. Ce lait correspondait à l’ « eau mercurielle » qui avait la vertu de se coaguler en présence d’un corps fixe. [Eustathe, « Commentaires sur l’Iliade », dans van Kasteel, H., Questions Homériques, Beya, 2012, p.509] 3 – Les mots mšga ™rgon (« grande œuvre ») expriment exactement un « grand poids ». Le terme ™rgon (« œuvre ») provient vraisemblablement de ™ra (« terre ») et de gÁ (« terre »), la terre étant le plus lourd des éléments. [Froidebise, C., Aquarium des Sages, La Table d’Émeraude, 1989, p. 88] 4 – Il devient semblable au compost dans l’œuvre terrestre : mis par Dieu dans le four de la tribulation pour y être, pendant ce temps, tourmenté par toutes sortes d’angoisses, par diverses calamités et anxiétés, jusqu’à ce qu’il soit devenu comme mort à l’égard du vieil Adam et de la chair, jusqu’à ce qu’il ressuscite, homme nouveau, créé par Dieu en vraie et droite justice et sainteté. C’est ce dont témoigne saint Paul aux Romains : « Avec le Christ, nous avons été ensevelis dans la mort par le baptême, et comme le Christ est ressuscité des morts, ainsi, nous, nous marchons vers une vie nouvelle. Dans ces conditions, si l’homme cesse de pécher tous les jours pour que le péché ne lui commande plus, alors, chez lui, commence la solution du corps de l’or ajouté comme dans l’œuvre terrestre ; c’est la putréfaction dont nous avons déjà parlé ; il doit être complètement dissous spirituellement, broyé, détruit, putréfié. Cette solution et putréfaction se fait plus tôt chez l’un que chez l’autre, mais elle doit nécessairement se produire au cours de cette vie temporelle. En d’autres termes, un tel homme doit être si bien digéré, cuit et fondu dans le feu de la tribulation qu’il en vienne même à désespérer complètement de toutes les forces qui sont en lui et à rechercher comme unique secours, la grâce et la miséricorde de Dieu. Ainsi, dans le fourneau de la tribulation et par un feu continuel, l’homme, comme le corps terrestre de l’or, participe à la tête noire du corbeau, c’est-à-dire qu’il est rendu entièrement difforme et tourné en dérision devant le monde. |