Écrit par : Nahmanide
Titre : La dispute de Barcelone
Date de parution : 1984
Éditeur : Verdier
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Nahmanide, La dispute de Barcelone, Lagrasse, Verdier, « les dix paroles », 1984
Nahmanide est la plus haute autorité du judaïsme en Espagne au 13e siècle. Familier des princes et proche de la haute aristocratie, il est souvent confronté à la polémique avec les Chrétiens. La Dispute de Barcelone en est une forme quelque peu théâtralisée dans la mesure où elle présente un échange structuré entre Nahmanide et ses opposants, principalement Paul Christiani, « frère Paul », un juif converti au christianisme, et des dominicains. La répartition de la parole est assurée par le Roi, qui intervient fréquemment lors de l’échange. Le récit de Nahmanide est très vivant — il décrit notamment les réactions des différents personnages— et condense les arguments classiques échangés dans les polémiques entre Juifs et Chrétiens. La dispute porte principalement sur la question de savoir si le Messie est déjà venu ou non ; en somme, s’il s’agit dea Jésus, comme l’affirment les Chrétiens, ou s’il doit encore venir, comme l’affirment les Juifs. Paul Christiani puise ses arguments dans une lecture chrétienne du Talmud et de certains passages de la Bible. Nahmanide corrige de façon systématique ses interprétations qu’il juge erronées. Quelques extraits : « Le frère Paul ouvrit la discussion en déclarant qu’il allait démontrer à partir du Talmud, qui est nôtre, que le Messie prédit par les prophètes étaient déjà venu. Je répondis en ces termes :
-- Avant même que cela ne soit débattu, j’aimerais qu’il m’apprenne et m’explique comment est-ce possible. Car, depuis qu’il parcourt la Provence et maints autres lieux encore, je l’ai entendu tenir ce propos à nombre de Juifs et je m’en étonne fort !
Il me répondit qu’il voulait dire par là que les sages du Talmud croyaient que Jésus était le Messie et qu’ils croyaient qu’il était à la fois homme absolument et Dieu véritable, selon la pensée des Chrétiens.
-- C’est pourtant une chose connue avec certitude, lui rétorquai-je, que l’histoire de Jésus eut lieu à l’époque du deuxième Temple, et qu’il naquit et fut exécuté avant la destruction de celui-ci ; tandis que les sages du Talmud, tels rabbi Akiva et ses compagnons, vécurent après sa destruction. Quant à ceux qui exposèrent la Michna, Rabbi et rabbi Nathan (sic), ils vécurent bien longtemps après celle-ci, et plus encore rav Achi qui compila et écrivit le Talmud, puisqu’il vécut quatre cents ans après. De plus, si ces sages avaient eu foi en la messianité de Jésus, s’ils avaient cru en sa sincérité, en sa foi et en sa religion, et s’ils avaient écrit [dans le Talmud] ces choses grâce auxquelles le frère Paul prétend démontrer qu’il en est ainsi, pourquoi sont-ils demeurés dans la religion juive et ont-ils conservé le même rite ? Car ils étaient Juifs, ils sont restés dans la religion juive toute leur vie et ils sont morts Juifs, eux, leurs fils et leurs disciples qui écoutaient toutes les paroles de leur bouche ! Pourquoi ne se sont-ils jamais convertis et ne sont-ils pas venus à la religion de Jésus, comme l’a fait le frère Paul qui a cru comprendre de leur parole que la foi chrétienne est la foi véritable (quelle idée !) et qui est allé se convertir à cause d’elles ? A la vérité, eux et les disciples qui puisèrent la Torah de leur bouche ont vécu et sont morts Juifs, comme nous aujourd’hui ! Et ce sont eux qui nous ont enseigné la religion de Moïse et des Juifs ; car tout ce que nous accomplissons maintenant dépend du Talmud, ainsi que des rites et des pratiques que les docteurs du Talmud ont accompli sous nos yeux, depuis le moment de sa compilation jusqu’au temps présent. De plus, le Talmud n’a d’autre dessein que de nous enseigner les règles de la Torah et du commandement, et comment les pratiquaient les pères à l’époque du Temple, sous l’injonction des prophètes et de Moïse notre maître, la paix soit sur lui ! Or, s’ils avaient foi en Jésus et en sa religion, pourquoi ne se sont-ils pas comportés comme l’a fait frère Paul, qui semble avoir mieux compris qu’eux leurs propres paroles ? » (pages 27-29).
« [Frère Paul] commença et déclara :
--Voici ce que l’Ecriture dit : « Le sceptre ne s’écartera pas de Juda (...) jusqu’à ce que vienne Chiloh, auquel les peuples obéiront » (Gen. 49 :10) et qui est le Messie. Cette prophétie annonce que Juda aura toujours puissance et souveraineté, jusqu’à ce que surgisse de lui le Messie. Or, en ce cas, puisque vous n’avez plus aujourd’hui une seule tribu ni un seul législateur, reconnaissez que le Messie, digne descendance de Juda, est déjà venu et que le règne lui appartient.
--L’intention de la prophétie, répliquai-je, n’est pas de prétendre que la souveraineté de Juda ne sera jamais abolie, mais de certifier qu’elle ne sera pas transmise de Juda à une autre tribu. Son propos est d’affirmer qu’aussi longtemps qu’il y aura une royauté pour Israël, celle-ci appartiendra de droit à Juda. Et, s’il advient que la souveraineté d’Israël soit abolie à cause du péché, une fois revenue, c’est à Juda qu’elle appartiendra. La preuve en est que, bien des années déjà avant Jésus, la royauté a été perdue par Juda et non par Israël ; et durant nombre d’années, elle a disparu à la fois d’Israël et de Juda. Ainsi, pendant les soixante-dix années où ils furent exilés en Babylonie, il n’y eut pas de souveraineté du tout, ni pour Israël ni pour Juda. [...]
- Durant toutes ces époques, répliqua le frère Paul, bien que n’ayant point de roi, ils eurent quand même un gouvernement. Car voici comment le Talmud (Sanh. 5a) interprète le verset : « Le sceptre ne s’écartera pas de Juda etc. » (ibid.) : il s’agit des exilarques de Babylone qui s’imposent au peuple par le « sceptre » ; « ni la loi d’entre ses pas » (ibid.) : ce sont les descendants d’Hillel qui enseignent la Torah en public. Or, aujourd’hui, vous ne disposez plus de l’ordination (semikha) connue par la Talmud, et même le gouvernement des exilarques a été aboli. Si bien qu’à présent aucun parmi vous n’a plus le droit d’être appelé rabbi (mon maître) [...] » (pages 29-30)
« Le frère Paul [...] prétendit que l’on dit dans le Talmud que le Messie est déjà venu. Il produisit l’histoire, contenue dans le Midrach sur les Lamentations (Eykha Rabbati 1 : 51), d’un homme en train de labourer et dont le bœuf meuglait [en tirant la charrue] ; un Arabe vint à passer et lui dit : Juif, Juif, délivre ton bœuf, détache ton joug et défais ta charrue car ton Temple a été détruit ! Il délivra son bœuf, détacha son joug et défit sa charrue. Le bœuf meugla une seconde fois. L’Arabe lui dit : Rattache ton bœuf, rattache ton joug et refais ta charrue, car ton Messie est né ! [...]
-- Je ne crois pas en cette histoire (aggada), répondis-je, mais, de toute façon, c’est une confirmation de mes propos.
[Frère Paul] poussa aussitôt un cri et s’exclama :
-- Voyez, il renie leurs livres !
-- En vérité, répliquai-je, je ne crois absolument pas que le Messie soit né le jour de la destruction du Temple ; soit cette histoire est fausse, soit elle recèle une autre signification dont les sages ont le secret. Mais même si j’acceptais celle-ci littéralement, à la manière dont tu l’as énoncée, elle confirmerait mes dires. Car, si le Midrach déclare que le Messie est né le jour même de la destruction du Temple, alors Jésus n’est pas le Messie comme vous le prétendez, puisqu’il est né et fut mis à mort avant cette destruction. Ainsi, selon la vérité [selon la tradition rabbinique], sa naissance eut lieu près de deux cent ans avant la destruction du Temple ; ou bien, d’après votre décompte, soixante-treize ans avant. » (page 33)
« Maître Guillaume, juge du roi, intervint en ces termes :
- La controverse actuelle ne porte pas sur Jésus ; la question est de savoir si le Messie est venu ou non. Tu soutiens, toi, qu’il n’est pas venu ; mais ce livre, qui est vôtre, affirme qu’il est venu.
-- Selon l’habitude des juges, rétorquai-je, tu choisis de répondre par un artifice de procédure. Néanmoins, j’y répliquerai sur le champ. Les sages n’ont aucunement dit qu’il était venu mais qu’il était né le jour de la destruction du Temple. Car ce n’est pas le jour même de sa naissance que Moïse notre maître, la paix soit sur lui, est venu et a délivré Israël ! Ce n’est que lorsqu’il s’est avancé devant Pharaon, sur l’ordre du Saint, béni soit-Il, et qu’il lui a déclaré : « Ainsi parle YHVH, Dieu d’Israël : Renvoie Mon peuple » (Ex. 5 : 1) qu’il est venu à proprement parler. De même, ce n’est que lorsque le Messie viendra devant le pape et lui dira par un commandement de Dieu : Renvoie mon peuple, qu’il sera effectivement venu. Or, jusqu’à présent, il n’est point venu et il n’y a absolument pas de Messie. D’ailleurs, le roi David ne fut ni roi ni Messie le jour de sa naissance ; ce n’est que lorsque Samuel, le prophète, l’oignit (mechaho) qu’il devint Messie (machiah). Ainsi, le jour où le prophète Elie oindra (yimechah) le Messie (machiah), par ordre de Dieu, il sera appelé « Messie » à bon droit. Puis il ira devant le pape pour nous libérer et, alors seulement, l’on dira qu’il est venu. » (page 34).
« Le frère Paul [...] affirma que l’on explique dans le Talmud (Sanh. 98a) que rabbi Josué avait demandé au prophète Elie : Quand viendra le Messie ? celui-ci lui avait répliqué : Demande-le au Messie lui-même ! Et où est-il, avait interrogé le premier ? A la porte de Rome, parmi les malades, avait répondu Elie. Il s‘y rendit et le trouva : il lui demanda etc. Dans ce cas, [avait conclu frère Paul], il est déjà venu et est dans Rome.
-- Ce passage dit au contraire explicitement qu’il n’est pas venu, lui rétorquai-je, puisqu’il a demandé à Elie : Quand viendra-t-il ? et qu’il fit la même demande au Messie en personne. C’est donc qu’il n’est pas encore venu. Cependant, il serait déjà né si je m’en tiens au sens littéral de ces récits (aggadot), mais je n’en crois rien.
A ce moment, notre seigneur le roi demanda :
-- S’il est né le jour de la destruction du Temple, laquelle eut lieu il y a plus de mille ans, et qu’il n’est pas encore venu, quand et comment viendra-t-il ? Car il n’est pas dans la nature de l’homme de vivre mille ans !
-- [...] parmi les Anciens, Adam et Mathusalem vécurent près de mille ans, et Elie ainsi qu’Hénoch bien davantage puisqu’ils sont encore vivants [tous deux furent emportés vivants aux cieux]. Car la vie est à Dieu ! » (pages 35-36).
[Nahmanide] :
-- Ecoutez peuples ! Vous tous ! Le frère Paul m’a demandé si le Messie dont parlent les prophètes était déjà venu ; j’ai répondu qu’il n’était pas venu. Puis il a produit un livre de Aggada, énonçant que le Messie était né le jour de la destruction du Temple. Je lui répliquai ne point prêter foi à cela, mais qu’il s’agissait là cependant d’une preuve confirmant mes paroles. Je vais vous expliquer maintenant pourquoi je n’y crois pas. Sachez que nous avons trois sortes de livres. La première, ce sont les vingt-quatre livres de ce que vous appelez la « Bible », et, nous tous, leur prêtons une foi totale. La seconde est appelée « Talmud », celui-ci consiste dans l’explication des préceptes (mitsvot) de la Torah ; car dans la Torah il y a six cent treize préceptes qui, tous, sont explicités dans le Talmud, et nous avons confiance en cette explication. Nous disposons encore d’une troisième sorte de livres appelée « Midrach », ce qui signifie « sermon ». C’est un peu comme si l’évêque se levait pour prononcer un sermon et que l’un des auditeurs, trouvant celui-ci exact, l’inscrivait par écrit. Si l’on prête foi à ce livre, tant mieux ; mais si l’on n’y croit pas, on n’en subira aucun tort. Ainsi certains de nos sages ont écrit que le Messie ne naîtra pas avant que ne soit proche le temps de la fin, et qu’il viendra pour nous tirer d’exil. C’est la raison pour laquelle je ne crois pas en ce livre, qui affirme qu’il est né le jour de la destruction du Temple. Nous donnons aussi à cette sorte d’ouvrages le nom de « livre de Aggada », ce qui signifie razionamiento en espagnol et qui désigne les choses qu’un homme raconte à son compagnon. [...] toi, notre seigneur le roi, tu m’as interrogé et tu m’as fait une objection bien meilleure que la leur, déclarant qu’il n’est pas dans l’habitude de l’homme de vivre mille ans. Je vais, sur le champ, fournir une réponse nette à ta question. Le premier homme vécut neuf cents trente ans ; il est expliqué dans l’Ecriture qu’il mourut par sa faute et que, s’il n’avait pas fauté, il aurait vécu encore plus longtemps ou même à jamais ! Or, Juif et gentils, nous reconnaissons tous que le crime ainsi que le châtiment du premier homme seront annulés aux jours du Messie ; si bien que, après la venue du Messie, ils le seront aussi pour nous. Quant au Messie lui-même, il en est délivré de façon absolue et peut bien vivre des milliers d’années ou même à jamais. Le psaume dit ainsi : « il demandait la vie, Tu la lui as donnée, de longs jours, à jamais et toujours » (Ps. 21 : 5). La chose est donc claire désormais. Notre seigneur le roi tu m’as demandé encore : Où se tient-il aujourd’hui ? On explique, dans l’Ecriture, que le premier homme se tenait dans le jardin d’Eden terrestre, et que, lorsqu’il fauta « YHVH Dieu le chassa du jardin d’Eden » (Gen. 3 : 23). Dès lors, celui qui est délivré du châtiment de l’homme se tient là-bas, dans le jardin d’Eden. C’est ce que les sages ont déclaré dans le livre de Aggadot que j’ai mentionné. » (pages 37-38).
[Nahmanide] : « Ni notre justice, ni notre vérité, ni notre droit n’ont le Messie pour origine. Car tu as plus de valeur et tu es plus précieux pour moi que le Messie. Tu es roi et il est roi. Tu es un roi gentil et il est roi d’Israël. Le Messie n’est autre qu’un roi de chair et de sang comme toi. Lorsque je sers mon Créateur sous ton règne, en exil, dans la souffrance et l’asservissement [...] mon salaire augmente, car j’offre un holocauste à Dieu de mon corps, méritant ainsi toujours plus la vie du monde à venir. Mais lorsqu’Israël aura un roi qui sera de ma Torah et qu’il régnera sur le monde entier, c’est malgré moi qu’il me faudra m’en tenir à la Torah des Juifs, si bien que mon salaire ne sera pas aussi abondant. Quoi qu’il en soit, l’origine du procès et de la controverse entre les juifs et les chrétiens réside dans votre façon de concevoir l’essence de la divinité, qui est pour nous chose particulièrement douloureuse. Toi, notre seigneur le roi, tu es chrétien, fils d’un chrétien et d’une chrétienne : toute ta vie tu as entendu des prêtres, des moines et des prêcheurs parler de la naissance de Jésus. Ils en ont bourré ta cervelle et la moelle de tes os, jusqu’à ce que l’habitude conduise ton esprit à y croire. Pourtant, ce dont vous avez la foi — et qui est l’essence de votre foi — le bon sens ne saurait l’accepter ; la nature ne le permet pas et jamais les prophètes n’ont dit pareille chose ! Même un miracle ne peut être prodigué de la sorte [...]. Que le Créateur des cieux et de la terre, ainsi que de tout ce qu’ils renferment, pénètre dans le ventre d’une femme juive et s’y attarde neuf mois, donne naissance à un petit, qu’il grandisse et soit ensuite livré aux mains de ses ennemis qui le jugent, le condamnent à mort et le tuent, et qu’enfin, selon vos dires, il ressuscite et s’en retourne à son lieu initial, cela est intolérable à l’esprit de tous les Juifs comme de tout homme ! C’est inutilement et en vain que vous disputez ainsi que vous le faites, car c’est cela la racine de notre controverse. » (pages 40-41). « Il m’est impossible de croire en [la] messianité [de Jésus] car la prophétie annonce au sujet du Messie : « Il dominera de la mer à la mer et du fleuve aux confins de la terre » (Ps. 72 : 8). Or, Jésus n’eut absolument pas de règne, au contraire, il fut persécuté par ses ennemis et dut se cacher d’eux ; à la fin, il tomba entre leurs mains et ne put même pas préserver sa propre vie. Comment aurait-il pu sauver Israël ? Même après sa mort il n’eut pas de royaume, car Rome ne lui est pas redevable de son règne. Au contraire, avant que les Romains ne croient en lui, la cité de Rome régnait sur la majeure partie du monde ; mais après qu’ils eurent adopté sa foi, ils perdirent nombre de royaumes. A l’heure actuelle, les serviteurs de Mohammed, vos ennemis, disposent d’un pouvoir supérieur au vôtre. » (page 41). [Nahmanide] : Prêtez oreille et écoutez ma voix, Juifs et gentils ! A Gérone, le frère Paul me demanda si j’avais foi en la Trinité. Je lui demandai aussitôt qu’est-ce que la Trinité ? Le divin serait-il fait de trois corps compacts, comme ceux des hommes ? Non, me répondit-il. Serait-il fait de trois choses ténues, telles des âmes ou des anges ? Non pas, dit-il. S’agit-il d’une chose composée de trois [éléments], ainsi que les corps composés de quatre éléments ? Non plus, répliqua-t-il. Dans ce cas, qu’est-ce que la Trinité ? La sagesse, la volonté et la puissance, déclara-t-il. Je lui rétorquai savoir parfaitement que la divinité est sage et non stupide, volontaire et sans versatilité, puissante et non faible. Mais le terme de Trinité est un contresens total. Car la sagesse n’est pas dans le Créateur un accident : au contraire, Lui et Sa sagesse sont toujours un. Si bien que sagesse, volonté et puissance sont un en tout. D’ailleurs, même si ceux-ci étaient pour lui des accidents, la chose qui est divine n’en serait pas triple pour autant, elle serait toujours un sujet unique supportant trois accidents.
Notre seigneur le roi intervint à ce moment et rapporta une comparaison que lui avaient apprise les trompeurs. Il dit :
-- Dans le vin sont trois choses : couleur, saveur et bouquet, et pourtant, il est chose une.
-- Mais c’est une erreur totale, car la couleur rouge, la saveur et le bouquet du vin sont choses distinctes et se peuvent trouver séparément. Il existe des vins rouges, mais aussi des vins blancs et des vins d’autres couleurs, et de même pour la saveur et le bouquet. De plus, la rougeur n’est pas le vin, et ni la saveur ni le bouquet ne le sont non plus ; car la substance du vin est ce qui remplit un récipient, dans lequel n’est nulle unité. Et si, par erreur, l’on compte [une nature triple au divin], il nous faut dire nécessairement qu’il est quadruple, puisque la chose qui est la divinité, sa sagesse, sa volonté et sa puissance donnent quatre au total. Mieux : il vous faut dire qu’il est quintuple puisqu’il est vivant, et que la vie est en lui du même ordre que la sagesse. Sa définition serait donc la suivante : vivant, sage, volontaire, puissant et la substance du divin, ce qui fait cinq. Tout cela est un contresens évident. » (pages 60-61).
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