Écrit par : Arlette Elkaïm-Sartre (trad.)
Titre : Aggadoth du Talmud
de Babylone
Date de parution : 1982
Éditeur : Verdier
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Aggadoth du Talmud de Babylone, Verdier, Lagrasse, 1982, 1450 pp. Beaucoup tentent de comprendre le texte de la Thora en dehors de la tradition talmudique – comme si les savants maîtres de l’exégèse biblique n’avaient rien à leur apprendre. Ceux, au contraire, qui sont disposés à s’instruire à leur contact vont au plus court. Le Talmud, monument de la littérature mondiale, est un ouvrage très vaste et fort complexe. Dans son Introduction à la littérature talmudique, Monsieur Ouaknin en donne une description claire et complète. La traduction que propose Madame Elkaïm-Sartre, n’est pas celle du Talmud à proprement parler, mais d’une compilation rédigée au début du XVIe siècle par le rabbin Jacob b. Salomon, qui en reprend plus particulièrement les passages aggadiques : les aggadoth, ou commentaires et récits plus ou moins savoureux, qu’on distingue des endroits halakhiques, discussions de nature plutôt juridique (les halakoth). Il nous paraît difficile, voire impossible, de saisir la portée de nombreux passages évangéliques, ou certains enseignements prétendument originaux de Rabbi Jésus, en ignorant l’exégèse talmudique. C’est pourquoi tout chrétien instruit a le devoir de s’y intéresser ; et ce volumineux ouvrage en offre une première approche extrêmement riche et profitable. La plupart des extraits cités ci-dessous concernent l’importance à accorder à la parole de la Thora et à ceux qui la véhiculent : «Si un homme se voit atteint par des malheurs divers, qu’il examine sa conduite : Recherchons nos voies et les sondons (Lamentations 3, 40). S’il cherche et ne trouve rien [à se reprocher], qu’il attribue [ses malheurs] au fait qu’il néglige la Thora, car il est dit : Heureux l’homme que tu châties, Éternel, et que tu instruis par ta loi (Psaumes 94, 12). Et s’il ne peut les attribuer à [sa négligence de la Thora], c’est que ce sont évidemment des chagrins dus à l’amour [de Dieu], car : L’Éternel châtie celui qu’il aime (Proverbes 3, 12).» (pp. 45 et 46) «Le Saint, béni soit-Il, prie. Quelle est Sa prière ? La voici, selon R. Zoutra b. Toubia, qui parle au nom de Rab : “Puisse ma volonté être que ma miséricorde l’emporte sur ma colère, qu’elle se manifeste au-delà de mes punitions, puissé-je traiter mes enfants selon mes attributs de bonté et demeurer en leur faveur en deçà de la ligne de stricte justice !”» (p. 56) «Quiconque prolonge sa prière et compte [sur son insistance] finira par se faire mal au cœur : Un espoir différé rend le cœur malade (Proverbes 13, 12). Quel sera le remède ? Étudier la Thora : il est dit en effet : Mais un désir accompli est un arbre de vie (ibid.) ; or qu’est-ce qu’un arbre de vie sinon la Thora ? Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent (ibid. 3, 18), est-il dit.» (p. 98) «Voyez quelle différence entre les générations anciennes et les suivantes : les générations anciennes faisaient de la Thora leur occupation permanente et leurs travaux matériels avaient un caractère temporaire. Et ils menaient de front les deux. Les générations suivantes ont fait de leurs travaux matériels une occupation permanente et étudié la Thora de façon épisodique : ni l’une ni l’autre n’ont porté de fruits.» (p. 107) «Même si un homme a lu la Thora et étudié la Michna [noyau du Talmud], s’il ne s’est pas mis au service des sages, c’est néanmoins un rustre.» (p. 111) «Quiconque participe à un repas où un disciple des sages est présent, c’est comme s’il jouissait de la Présence Divine, car : Aaron et tous les Anciens d’Israël vinrent participer au repas avec le beau-père de Moïse, en présence de Dieu (Exode 18, 12). Est-ce qu’ils mangeaient avec Dieu ? Ne mangeaient-ils pas avec Moïse ? Ce passage nous apprend donc que participer à un repas qui compte parmi ses invités un disciple des sages, c’est jouir de la Présence Divine.» (p. 133) «À l’heure où l’homme comparaît en Jugement, on lui demande : Est-ce que tu t’es conduit honnêtement en affaires ? Est-ce que tu as consacré régulièrement du temps à la Thora ? Est-ce que tu t’es assuré une descendance ? As-tu vécu dans l’espoir du salut ? As-tu recherché la sagesse ? As-tu exercé ton esprit à comprendre ? Et, en admettant [que l’homme réponde] oui à ces questions, si la crainte de l’Éternel est son trésor (Isaïe 33, 6), très bien. Sinon, le reste ne compte pas.» (p. 166) «Jérusalem fut détruite uniquement parce que les disciples des sages y ont été méprisés, car il est dit : Mais ils raillaient les messagers de Dieu, dédaignaient ses paroles et tournaient en dérision ses prophètes, jusqu’à ce que le courroux du Seigneur s’accrut contre son peuple de façon irrémédiable (II Chroniques 36, 16). Que signifie de façon irrémédiable ? Selon R. Juda, qui parle au nom de Rab, quiconque méprise les disciples des sages ne verra pas de remède à ses malheurs.» (p. 238) «Le monde ne se maintient que grâce au souffle des enfants qui vont à l’école.» (p. 238) «La valeur numérique du mot iaiyn (vin) est soixante-dix ; celle du mot sod (secret) aussi : lorsque le vin entre, le secret sort.» (p. 287 ; id. p. 1027) «Un juste ne quitte pas le monde sans que naisse un autre juste, car il est dit : Le soleil se lève, le soleil se couche (Ecclésiastique 1, 5) […]. Le monde continue d’exister, ne serait-ce que grâce aux mérites d’un seul juste, car il est dit : Et le juste est le fondement du monde (Proverbes 10, 25).» (pp. 359 et 360) «La prière du juste change les décrets de la colère divine en bienveillance.» (p. 393) «Jacob, notre père, n’est pas mort […]. Puisque sa postérité est vivante, lui aussi est en vie.» (p. 450) «Transmettre une tradition au nom d’un disciple des sages [qui n’est plus], c’est animer ses lèvres dans la tombe.» (p. 622) «On ne peut connaître le vrai sens de la Thora si l’on n’a pas trébuché sur ses paroles.» (p. 706) «Le fou dévot, l’impie rusé, la bigote et les rigueurs pharisiennes, voilà ce qui ruine le monde.» (p. 771) «Si le Saint, béni soit-Il, a créé l’inclination au mal, Il a créé aussi la Thora pour tempérer son pouvoir.» (p. 939) «La première chose dont un homme aura à rendre compte, c’est de son étude de la Thora.» (p. 993) |