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COMMENT RECONNAÎTRE UN VRAI MAÎTRE
- Athanase Lynxe
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J'ai cru comprendre qu'il n'y a qu'un seul et unique critère: sa parole.Le Fou du Roi écrit: Comment reconnaître un vrai maître ?
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- Herr Tripa
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Je dirais même le poids de sa parole, puisque l'on lit dans le dictionnaire étymologique que "gourou" vient de "gravis", lourd !
Lui faut-il une voix grave comme celle de Sarastro ? Ou le poids de l'incarnation divine?
On lit au livre 31, verset 18 du Message Retrouvé de Louis Cattiaux:
Christ est unique en Dieu certainement, mais ses formes sont multiples dans la création. Ainsi nous le reconnaîtrons, premièrement, à l'oeuvre et au poids, ensuite, à la parole; mais jamais à l'apparence.
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- Athanase Lynxe
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Herr Tripa écrit: Je dirais même le poids de sa parole, puisque l'on lit dans le dictionnaire étymologique que “gourou” vient de “gravis”, lourd !
C'est ce que je voulais dire, évidemment ! Cela me fait penser à la légende de saint Christophe (Christophoros, «porteur du Christ») qui peine à transporter le petit enfant Jésus (le Verbe) dont le poids augmente au fur et à mesure qu'il s'avance dans le fleuve.
Dans la tradition païenne, on raconte que Jason, lui aussi, s'enfonçait toujours plus dans le fleuve en transportant la déesse Héra, devenant de plus en plus lourde. Tel Héraclès le bien nommé, ne donne-t-il pas de plus en plus de poids à cette déesse, au départ aérienne et légère ?
Ce n'est qu'après ce passage que Christophe et Jason reconnaissent l'identité de leur hôte “pesant”.
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- Pantout
"Incarnation" signifie "dans la chair". Mais cela signifie-t-il que le Seigneur se manifeste dans un homme charnel, ou qu'il possède un corps de chair divine?
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- Athanase Lynxe
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Herr Tripa écrit: Je dirais même le poids de sa parole.
Dans Les Grenouilles d'Aristophane, Dionysos, le saint patron du théâtre, descend aux enfers pour en ramener un digne tragédien, car les auteurs tragiques qui se trouvent alors sur terre sont très loin de le satisfaire. Il y organise un concours entre les défunts Eschyle et Euripide, en installant une balance pour mesurer exactement le poids (baros) de toutes les paroles (rhêmatôn) prononcées par les deux concurrents.
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- Le Fou du Roi
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Merci beaucoup et pardon, mais je n'y vois pourtant pas plus clair !
Je veux bien croire qu'il faille reconnaître un maître au poids de ses paroles, mais c'est justement là le problème... COMMENT ? Tant que l'on n'est pas Adepte nous-mêmes, comment reconnaître qu'une parole a du poids ? Qu'est-ce que ça veut dire finalement ?
Je peux vous dire que des beaux parleurs, j'en connais pas mal et qui parlent TRÈS bien et pourtant.... on se rend assez vite compte si on gratte un peu ! On se rend vite compte de certaines intentions cachées parfois peu avouables. Pire encore : on nous raconte des sornettes qui paraissent très spirituelles et louables, mais là encore, on peut se rendre compte au bout d'un certain temps qu'on a suivi le mauvais chemin par naïveté ou simplement par manque d'expérience...
Maintenant, je suppose qu'on peut être un gourou vénal et reprendre les textes sacrés, cela en fait-il un maître à suivre pour autant !???
En passant, de Cagliostro :
" Me voici : je suis noble et voyageur ; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d'anciennes paroles ; une voix, qui est en vous, et qui s'était tue depuis bien longtemps, réponds à l'appel de la mienne ; j'agis, et la paix revient en vos coeurs, la santé dans vos corps, l'espoir et le courage dans vos âmes.
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- Athanase Lynxe
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Le Fou du Roi écrit: Je veux bien croire qu'il faille reconnaître un maître au poids de ses paroles, mais c'est justement là le problème... COMMENT ?
J'avoue ne pas connaître la recette – s'il en existe bien une! Ce qui peut en tout cas jouer un rôle de «critère» dans notre discernement, c'est le temps: le temps finit toujours par démasquer... les faux maîtres.
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- Le Fou du Roi
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Eh ben c'est pas gagné !
N'y aurait-il pas certains symptômes à déceler ? Ou questions test/piège à poser pour savoir à qui on a affaire ? S'il ne reconnait pas l'unité des religions par exemple !!??
Ou bien on se fie à notre bonne étoile ou notre instinct ? Et tant pis pour les autres ?
Pas aux apparences, nous sommes bien d'accord et j'aurais même plutôt tendance à fuir ceux qui roulent des yeux, qui disent que tout est amour ou illusion et ceux qui en jettent plein la vue.
On cherche souvent un maître tout doux qui prône l'amour, qui paraît si humble, si gentil, si à l'écoute, si psychologisant, ou ayant réponse à tout... mais qui demande une toute petite enveloppe de 150€ la journée pour "arrondir" ses fins de mois...
Moi je crois qu'un gars qui demande de l'argent pour qu'on ait le privilège de venir le voir est à foutre au bac sans passer par la case départ !?
Vive le maître spirituel qui est comme tout le monde, qui se gratte quand ça le gratte et qui n'hésite pas à mettre un coup de pied dans le derrière quand il faut !
En gros, tous ceux qui sont, en conférence, loge ou atelier ou que sais-je, différents que dans leur vie de tous les jours sont à baffer sans pitié. Et ça je crois, à moins qu'on ne soit vraiment trop aveugle, qu'on doit pouvoir s'en faire une petite idée assez vite !!!
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- Thalie
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Bonsoir, Fou du Roi,
Votre question me semble bien pertinente... En guise de (non) réponse, voici ce que dit le Message Retrouvé (Louis Cattiaux), livre 5, verset 23 : " Prions Dieu pour qu’il nous fasse rencontrer un instructeur véridique avant le jour du jugement et prions-le afin de reconnaître son envoyé quand il se présentera à nous."
Alors, à part la prière et notre "pifomètre" personnel, je crains qu'aucun signe extérieur ne permette de reconnaître extérieurement un sage. De plus, le verset parle de l'instructeur véridique et de l'envoyé, qui ne sont probablement pas des hommes charnels. Quant à reconnaître l'âne savant qui les porte... il faut s'attendre à tout. Il me semble aussi qu'il y a une certaine "indiscrétion" à vouloir savoir où d'autres personnes en sont dans leur quête.
Enfin, tout cela n'est qu'une opinion... et de plus de la part d'un âne pas du tout savant !
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- Le Fou du Roi
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Oui et je crois savoir que Cattiaux avait un sacré drôle de caractère et qu'il n'avait pas vraiment l'aspect (genre visage impassible serein et habillé d'une toge blanche avec une longue barbe et une canne) ! C'est souvent quand on fait l'agneau ....
Et sinon vous, vous en êtes où dans votre quête ?
Moi, ça va.... mais l'important, comme le disait mon pote Rachid, c'est pas la chute, c'est l’atterrissage !
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- ibn al-3adam
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Chères sœurs et chers frères de la Voie !
Voilà un moment que je voulais participer à cette discussion tellement essentielle :
Toute la Quête n’est elle pas au final qu’une question de « Tradition » (comme le suggère le mot « kabbale ») ?
Ne s’agit-il pas de « recevoir » quelque chose bien plus que d’ « arriver » à la Connaissance par nos vains efforts ?
C’est du moins ce que je crois comprendre dans la fréquentation des Écritures …
Mais dans ce cas, la recherche d’un « transmetteur » ne devrait-elle pas être au centre de notre cheminement ?
Ici encore, il s’agit peut-être sans doute plus de « recevoir » que de « trouver » par nous-même …
Le verset du Message Retrouvé cité ci-dessus me semble tout à fait décrire cela :
« Prions Dieu pour qu’il nous fasse rencontrer un instructeur véridique avant le jour du jugement et prions-le afin de reconnaître son envoyé quand il se présentera à nous. » (V, 23)
Un autre grand maître, Abū Yazīd al-Bisṭāmī (m. ca. 875), est encore plus catégorique : « Celui qui n’a pas de maître, c’est Satan qui est son maître » …
Il ne nous resterait donc qu’à prier sincèrement, et à apprendre à distinguer le véritable « Enseigneur » (le mot Arabe Rabb possédant cette double signification de « Seigneur » et d’ « Enseignant », comme dans l’Hébreu Rabbi …) du Skippy New-agico-sympatoche ou de la tête-pleine obscurantistico-narcissique …
Le Coran évoque abondamment l’importance de rechercher ceux qui ont « hérité de Dieu » :
« Et des Trésors et des nobles Stations, de cela nous avons fait hériter les fils d’Israël » (Cor. 26:58-59).
Mais cet héritage véritable semble d’un ordre particulier, puisqu’un épisode célèbre relate comment Moïse (aS) lui-même recherche l’éducation du mystérieux « al-Khidr » (aS),
« un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné de Notre grâce et enseigné de Notre Science » (Cor. 18:65).
Or il s’agit bien de trouver ceux qui ont hérité de cette Science véritable :
« Ô vous qui croyez ! Craignez Dieu ! Et soyez avec les Véridiques (al-ṣâliḥîn) » (Cor. 9:119).
Dieu semble confirmer que cette Science fut remise à Muḥammad (sA) :
« Certes, ceux qui font le pacte avec toi, c'est en vérité avec Allah qu'ils font le pacte » (Cor. 48:10).
Et Muḥammad (sA) à son tour a indiqué que cette Science se transmettra sous son influence :
« Un groupe de ma communauté ne cessera de manifester la Verité jusqu'à ce que survienne l'Heure. Ceux qui s'opposeront à eux ne leur nuiront en rien » (Hadith, Nawawî).
J’ai donc pensé partager avec vous l’éclairage des maîtres du Taṣawwuf (Soufisme), qui se réclament de cet héritage …
L’un d’entre-eux a dit « celui qui connait le connaissant (‘ārif) est un connaissant » …
Autrement dit : qui d’autre qu’un maître pourrait nous apprendre à reconnaître un maître ?
Leur expérience pourra sans doute être utile à tous ceux qui cherchent ces héritiers, peu importe la branche de La Tradition sur laquelle il pousse …
La première bonne nouvelle est que cette qualité se verrait à l’extérieur :
Selon al-Junayd (m. 910) : « Le soufisme est tout entier excellence du comportement (iḥsân). Celui qui te dépasse en excellence du comportement te dépasse en soufisme » ...
Mais il ne s’agit pas ici d’un comportement moral, d’un raffinement ostentatoire ou d’une politesse bien marquée. Il s’agit tout simplement du rayonnement que produit la Connaissance à travers les actes de celui qui la détient réellement : « la beauté des actions procède de la beauté des états de l'âme et la beauté de ces états vient de la confirmation dans les stations où descendent, sur les coeurs, les faveurs divines » (Ibn ‘Ata-Allah al-Iskandarî, m. 1310).
Autrement dit, avant de trouver un maître-héritier, il s’agit de commencer à faire attention à son entourage direct : « Ne prends pas pour compagnon celui dont l’état ne te stimule pas et dont les paroles ne te montrent pas la voie de Dieu. » (Ibn ‘Ata-Allah) Ceci fait d’ailleurs écho à un Hadith du Prophète (sA) : « Le compagnon vertueux et le compagnon malfaisant sont respectivement comparables au vendeur de musc et au forgeron. Le vendeur de musc t’en donne ou t’en vend et il émane de sa personne une odeur agréable, tandis que le forgeron risque de brûler tes habits et il répand une odeur nauséabonde » (Al-Bukhârî, Saḥîḥ).
Un autre Hadith, rapporté par Ibn ‘Abbâs (rA) raconte : « Quelqu’un demanda : “Ô Prophète, quelle est la meilleure personne auprès de laquelle on s’assoit ?” Il dit : “Celui dont la vue vous rappelle Dieu, dont les paroles ajoutent à votre science et dont les actes vous rappellent l’au-delà.” ».
Le véritable maître, celui qui est dépositaire de cet héritage de la Science véritable, aurait donc apparemment un effet sur son entourage.
Ainsi, selon Ibn ‘Ata-Allah : « la science utile est celle dont les rayons se répandent dans la poitrine et qui soulève les voiles du coeur ».
Il nous dit encore à quel point cette Science, pour être véritable, doit être opérative et provoquer des transformations intérieures concrètes et substantielles : « Ton Maître n’est pas celui de qui tu as entendu des paroles, ton Maître est celui de qui tu as pris. Il n’est pas celui qui te parle, il est celui dont l’indication coule en toi. Il n’est pas celui qui t’a fait parvenir à la porte, il est celui qui a levé le voile entre toi et lui. Le Maître n’est pas celui dont les paroles t’atteignent, ton Maître est celui dont l’état te stimule. C’est lui qui t’a fait sortir de la prison de tes passions et t’a fait entrer dans la Présence du Seigneur. Il est celui qui, en permanence, poli le miroir de ton cœur jusqu’à ce que les Lumières Seigneuriales s’y reflètent. Il t’a emmené vers Dieu et tu es allé vers lui, il t’a emmené jusqu’à te faire parvenir jusqu’à lui. Il reste en permanence à tes côtés, jusqu’à ce qu’il te remette en Ses Mains. Il t’a alors plongé dans les Lumières de la Présence Divine et dit "Te voici et Ton Seigneur". »
Enfin, pour terminer, je ne pouvais pas m’empêcher de partager avec vous les indications du « plus grand des maîtres », le Shaykh al-akbar, Ibn ‘Arabî (m. 1240) :
« Parmi les Savants par Allah, les Maîtres spirituels occupent une place analogue à celle des médecins parmi les savants en sciences naturelles. Le médecin ne connait la nature que sous le rapport spécial sous lequel elle régit le corps humain, alors que le savant naturaliste la connait d'une façon générale, même s'il n'est pas médecin. » (…)
« La vénération des Maîtres n'est que la vénération d'Allah : observe-la donc comme règle pour Allah et par Allah. Ceux-ci sont les guides » (…)
« La Parenté (selon l'esprit avec le Prophète) les confirme dans leur rôle démonstratif avec une fermeté reposant sur Allah. Héritiers de tous les Envoyés divins, leur propos est toujours selon Allah. Dans leurs niches tu les vois, tels les Prophètes, ne demandant d'Allah rien d'autre qu'Allah. S'ils font voir quelque état spirituel (ḥâl) qui les détourne de la Loi sacrée, abandonne les à Allah. Ne les suis pas et ne marche pas sur leurs traces, car ce sont alors des relâchés d'Allah en Allah. Tu ne prendras pas comme modèle quelqu'un sur lequel la Loi n'a plus d'autorité, même s'il apportait des révélations de la part d'Allah. »
Il semble donc important de suivre un maître-éducateur (un « Enseigneur » - Rabb) capable de transformer les coeurs par Sa Science,
et non simplement quelqu’un ayant accès à des vérités subtiles …
Mais Ibn ‘Arabî continue :
« D’autre part, ayant constaté l'ignorance dans laquelle sont de nos jours les disciples quant aux distinctions de leurs maîtres spirituels, nous avons dit encore les vers suivants :
On ignore la valeur des Maîtres, de ceux qui sont Gens de Contemplation et de Science ferme ; On rabaisse par ignorance leurs paroles, alors qu'elles ont une portée sublime » (…)
… tout le problème reste donc qu’on est incapable de reconnaître ces Enseigneurs !
La boucle de notre ignorance et de notre indigence envers la Providence est donc bouclée !
J’espère tout de même que ces paroles vous auront apporté l’un ou l’autre indices …
Que Dieu vous garde et vous guide vers l’un de Ses héritiers !
Fi Amâni-Llah !
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- Athanase Lynxe
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Merci, ibn al-3adam, de ces citations qui donnent quelques éclaircissements sur la question. Ma réaction porte sur une d'entre elles, ou plutôt sur la remarque qui l'accompagne:
ibn al-3adam écrit: Selon al-Junayd (m. 910) : « Le soufisme est tout entier excellence du comportement (iḥsân). Celui qui te dépasse en excellence du comportement te dépasse en soufisme » ... Mais il ne s’agit pas ici d’un comportement moral, d’un raffinement ostentatoire ou d’une politesse bien marquée.
Au quatrième chant de l'Odyssée, Ménélas cherche à s'instruire au contact du devin et divin Protée, mais ce dernier se transforme d'abord en eau, en feu, en serpent, lion, panthère, sanglier, etc. Malgré tout, Ménélas s'accroche à lui, jusqu'à ce que Protée redevienne lui-même et réponde à ses questions.
Voici comment l'archevêque Eustathe (XIIe s.) a commenté cet épisode (cf. Questions homériques, Beya, p. 604 et s.):
Il n'est pas bon, en effet, d'accueillir aimablement tout le monde, et les premiers venus. L'homme sensé, donc, mettra à l'épreuve celui qui l'aborde, pour voir s'il ne s'agit pas d'un flatteur, d'un ennemi, de quelqu'un qui est à l'affût du gain, ou qui cherche à se moquer.
Et comment l'éprouvera-t-il? Eh bien! en devenant de l'eau, c'est-à-dire en ayant le pied rapide et, comme dit le poète, «humide» [Odyssée, IX, 43] pour glisser, semble-t-il, entre les doigts de celui qui recherche son amitié; en se transformant en feu, c'est-à-dire en faisant semblant d'être emporté de colère; en se contorsionnant comme un serpent, c'est-à-dire en ayant des mouvements d'humeur instables et très changeants, et parfois même en encourant le reproche d'avoir le caractère d'une bête sauvage, qui le rend inaccessible; bref, en prenant toutes les apparences pour mettre à l'épreuve celui qui recherche son amitié.
Enfin, quand il verra que l'autre tient bon et s'agrippe à lui, qu'il «s'attache fermement et d'un cœur qui supporte tout» [Odyssée, IV, 459], qu'il reste à proximité, qu'il le presse, qu'il l'invite toujours à être son ami, alors il s'adoucira et l'acceptera; après une longue mise à l'épreuve, il en fera, réellement et avec joie, son compagnon. Il sera tel qu'il était avant la mise à l'épreuve, c'est-à-dire sans varier ses comportements.
C'est ce qui fait dire au poète: «Pour mettre à l'épreuve, il deviendra toutes choses, etc.» [Odyssée, IV, 417] Car il faut bien tester l'amitié.
Bref, si on croit reconnaître en quelqu'un un maître, on peut s'attendre à ce qu'il ne nous traite pas nécessairement, comme vous l'écrivez, avec «un raffinement ostentatoire» ou «une politesse bien marquée»!
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- ibn al-3adam
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- Messages : 42
Très cher Athanase Lynxe,
merci beaucoup pour ce magnifique extrait, qui illustre parfaitement l’esprit de ces citations !
Cela m’a fait penser à cette lettre du Shaykh al-ʿArbī al-Darqāwī (m. 1823) dans laquelle il raconte sa première rencontre avec son propre maître :
« Cette nuit là je demandai à Dieu de me confirmer mon intention, et je passai toute la nuit à me représenter le maître, à me demander comment il était et comment serait ma rencontre avec lui, sans pouvoir dormir. Le matin, j’allai le trouver à sa Zawiya (…) Je frappai à la porte, et le voici devant moi, en train de balayer la Zawiya selon son habitude — car il ne cessa jamais de la balayer de sa propre main bénie malgré son grand âge et sa haute fonction. “Que veux-tu ?” me dit-il ? “Ô mon seigneur, — lui répondis-je —, je veux que tu me prennes par la main pour Dieu.” Alors il se mit à me réprimander violemment, en cachant son vrai état à mes yeux, avec des paroles comme celles-ci : “Qui donc t’a dit que je prends par la main qui que ce soit ? Et pourquoi le ferais-je avec toi ?” Et il me chassa … Tout cela pour mettre ma sincérité à l’épreuve. Je m’en allai donc, mais la nuit venue, j’interrogeai de nouveau Dieu au moyen du Livre sacré. Puis, ayant accompli la prière du matin, je retournai vers la Zawiya. J’y retrouvai le maître comme la première fois, en train de balayer. Je frappai à la porte. Il m’ouvrit, et je lui dis: “Prends-moi par la main, pour Dieu !” Alors il prit ma main et me dit : “Sois le bienvenu !” Il me fit entrer dans sa demeure à l’intérieur de la Zawiya et me manifesta une grande joie. “Ô mon seigneur — lui dis-je — depuis combien de temps ai-je cherché un maître spirituel !” — “Et moi ! — me répondit-il — je cherchais un disciple sincère.” Puis il me transmit les formules du rosaire et l’invocation et me dit : “Va et reviens !” À partir de ce moment là je le fréquentai chaque jour et je reçus son enseignement en compagnie de quelques frères d’entre les habitants de Fès … »
Notons que la mise à l'épreuve fut ici d'assez courte durée, mais je présume que c'est un signe de la sincérité du demandeur ...
Que Dieu vous bénisse !
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- Pantout
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- Messages : 156
Toute mon admiration pour la qualité de ces échanges! La question est, bien sûr primordiale. Le monde est rempli d'êtres dont le rôle est bien différent: Il y a des animaux voire des choses, mais aussi des hommes qui sont là pour tuer, blesser, punir ou freiner. D'autres sont là pour guérir, aider, protéger, adoucir. Parmi ceux-ci il y a, apparemment noyés dans la masse, des êtres mystérieux qui, détenteurs, connaisseurs, voire "fabricateurs" du médicament de Dieu, peuvent nous guider et nous transmettre le grand secret caché dans tous les temps. Dieu saura leur dire comment se présenter à nous. Nous, nous ignorons comment nous présenter à eux. Et, comme a dit un jour le grand philosophe belge Emmanuel d'Hooghvorst: "quand bien même vous auriez un voisin de pallier dont vous auriez la certitude qu'il possède le secret de Dieu, jamais il ne vous le transmettrait si Dieu ne le lui enjoignait. Cela ne vous servirait à rien de savoir qu'il possède ce secret."
Donc, finalement, la seule chose qui compte, c'est de faire ce que les grandes religions ont toujours enseigné (et on espère qu'elles continuent à le faire au lieu de s'enliser dans les affaires du monde): c'est de prier tout simplement comme un enfant pour que Dieu nous donne ce dont nous avons besoin, y compris si cela devait être la possession de la science de Dieu. Combien pensent à demander cela? Combien savent que c'est ce que Dieu désire le plus donner?
Quant aux faux maîtres, ne les craignez pas trop: prenez-les même comme maîtres si vous voulez. Dieu vous fera voir tôt ou tard la drôlerie de leur mensonge, et de toute façon, vous aurez expérimenté quelque chose, ne fût-ce que l'absurde qui vous fera vous rouler par terre de rire.
Il y a, actuellement un renouveau hermétique qui se prépare sur terre. Que ceux qui aiment cet enseignement mystérieux demandent à Dieu d'y participer et de ne pas être confondus avec les ténèbres de l'Âge de Fer. qui s'opposent à ce renouveau. Et si nous sommes ignorants, pourquoi nous en faire, puisque Dieu et ses sages, sont, eux, savants?. Il suffit qu'ils nous accueillent dans leur amitié, et ensuite, nous verrons bien ce que Dieu leur dira de faire de nous. Aimer leurs écrits, c'est déjà une fameuse bénédiction!
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- ibn al-3adam
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- Messages : 42
Cher Pantout,
Que Dieu vous bénisse pour cette réponse inspirée et inspirante ...
Merci pour ces paroles pleines d'apaisement et d'espérance ...
Que Le Seigneur augmente notre Amour de Lui et notre soif de Lui !
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