Écrit par : M. Berthelot,
Ch.-Em. Ruelle
Titre : Collection des anciens alchimistes grecs
Dates de parution : 1888
[reprint 2011]
Éditeur : Steinheil [reprint Nabu Press]
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M. Berthelot, Ch.-Em. Ruelle, Collection des anciens alchimistes grecs, Steinheil, Paris, 1888 [reprint Nabu Press, 2011], pp. 458 Berthelot, chimiste et homme politique du XIXe siècle, en collaboration avec l’helléniste Ruelle, publia l’ensemble des textes, ainsi que leur traduction, des alchimistes grecs ou gréco-égyptiens de la fin de l’Antiquité : traités inspirés par ou attribués à Démocrite, Cléopâtre, Zosime, Marie la Juive, Pélage, Moïse, Olympiodore, etc. Le tome recensé ici contient seulement la traduction. Il s’agit d’une véritable mine à explorer : on y retrouve un grand nombre d’expressions et d’enseignements repris tels quels par les alchimistes postérieurs ; les allusions à la religion et tradition égyptiennes, ainsi qu’aux anciens mythologues et philosophes grecs (Orphée, Thalès, Anaximandre, Platon, etc.), sont elles aussi fréquentes, illustrant au passage l’unité doctrinale de l’Antiquité. Signalons deux termes grecs ambigus souvent rencontrés dans ces textes : theïon, signifiant à la fois « soufre » et « divin » ; et iôsis, qui peut se traduire notamment par « teinture violette » et par « unification ». Quelques extraits : « Qu’il y ait donc un principe unique, immuable et infini de tous les êtres, c’était l’opinion de Thalès de Milet, disant que c’était l’être [c’est-à-dire l’être (on) de l’eau divine, l’or ; c’est-à-dire l’œuf (ôon) de l’eau divine, l’or]. » (p. 88) « Quand tu te connaîtras toi-même, alors tu connaîtras aussi le seul Dieu existant en soi ; agissant ainsi, tu atteindras la vérité et la nature, rejetant avec mépris la matière. » (p. 91) « Pour que la composition se réalise exactement, demandez par vos prières à Dieu de vous enseigner, dit Zosime ; car les hommes ne transmettent point (la science) ; les démons sont jaloux, et l’on ne trouve pas la voie. On cherche en vain ceux qui la savent, et les écrits n’ont pas de précision. […] C’est pourquoi, en raison de la multiplicité des explications et à cause des traitements dont on ne parle pas, l’esprit de ceux qui abordent cet art est jeté dans la confusion. Or il nous affranchit de tout cela, le Dieu dispensateur de tous les biens. » (p. 92 et 93) « Ici encore, les oracles d’Apollon déclarent la vérité, car ils parlent du tombeau d’Osiris. Or qu’est-ce que le tombeau d’Osiris ? C’est un mort lié et entouré de bandelettes, n’ayant que le visage découvert. L’oracle dit, en désignant Osiris : “Osiris, c’est le tombeau étroitement resserré, cachant tous les membres d’Osiris et ne laissant voir aux mortels que son seul visage. Mais en cachant les corps, la nature a voulu exciter notre étonnement. Car Osiris est le principe de toute liquidité ; c’est lui qui opère la fixation dans les sphères du feu. C’est ainsi qu’il lie et resserre le Tout du plomb, etc.” » (p. 103) « Le but de la philosophie, c’est la dissolution du corps, la séparation de l’âme et du corps. » (p. 138) « L’eau noircie, s’attachant à notre molybdochalque [“bronze au plomb”], lui donne une teinture noire fixe ; et bien que cette teinture ne soit rien, tous les initiés désirent vivement la connaître. » (p. 157) « Tu sais que ce n’est pas seulement le Philosophe qui a mentionné le soufre (theïon), mais encore tous les prophètes ; car sans les soufres, il n’y aura rien, c’est-à-dire sans l’eau divine (theïon). En effet, toute la composition est absorbée par elle ; c’est par elle qu’elle est cuite ; par elle qu’elle est fixée ; par elle qu’elle est teinte ; par elle qu’elle subit l’iôsis, et par elle qu’elle est affinée. Car il est dit : “Mets de l’eau de soufre natif et un peu de gomme : tu teins par là toute sorte de corps”. » (p. 173) « Renonce à la société des gens qui ont l’esprit aveuglé et l’imagination trop enflammée. Il faut plaindre ces gens-là, et écouter le langage de la vérité, de la bouche des hommes dignes de l’annoncer. Ces gens-là ne veulent pas de secours ; ils ne supportent pas d’être instruits par des maîtres, se flattant d’être des maîtres eux-mêmes. Ils prétendent être honorés pour leurs raisonnements vains et vides. Lorsqu’on veut leur enseigner quels sont les degrés de la vérité, ils ne supportent pas la connaissance de l’art et ils ne la digèrent pas. Ils désirent l’or plutôt que la raison. Échauffés par une démence extrême, ils deviennent incapables de raisonnement et ne sauraient atteindre la richesse. En effet, s’ils étaient guidés par la raison, l’or les accompagnerait et serait en leur pouvoir : car la raison est maîtresse de l’or. Celui qui s’y attache, qui la désire et s’y unit, trouvera l’or placé devant nous, au milieu des détours qui le tiennent caché. La raison est l’indicatrice de tous les biens, comme on l’a dit quelque part. La philosophie est la connaissance de la vérité, et révèle les êtres qui existent. Celui qui accepte la raison, verra par elle l’or placé devant ses yeux. Mais ceux qui ne supportent pas la raison, marchent constamment dans le vide, et entreprennent les actes les plus ridicules. » (p. 187) « Marie a dit : “Si deux ne deviennent un” ; c’est-à-dire si les matières volatiles ne se combinent pas avec les matières fixes, rien n’aura lieu de ce qui est attendu. Si l’on ne blanchit et si deux ne deviennent pas trois, avec le soufre blanc qui blanchit, rien n’aura lieu de ce qui est attendu. Mais lorsqu’on jaunit, trois deviennent quatre ; car on jaunit avec le soufre jaune. Enfin, lorsqu’on teint en violet [lorsqu’on opère l’iôsis], toutes les matières parviennent à l’unité. » (p. 192) « De même qu’il existe un soleil, fleur du feu, un soleil céleste, œil droit du monde, de même le cuivre, s’il devient fleur (c’est-à-dire s’il prend la couleur de l’or) par la purification, devient alors un soleil terrestre, qui est roi sur la terre, comme le soleil est roi dans le ciel. » (pp. 206 et 207) « Les Anciens traitaient d’enfantillage et de travail de femme la recherche des simples connaisseurs. » (p. 241) « Les maîtres appellent le mercure le tombeau d’Osiris. » (p. 263) « Étant devenu un esprit éthéré, il [le cinabre ou le mercure] s’élance vers l’hémisphère supérieur ; il descend et remonte, évitant l’action du feu, jusqu’à ce que, arrêtant son essor de fugitif, il soit parvenu à un état de sagesse. » (p. 265) « Que fallait-il donc que fît Zosime, cet ami de la vérité, lui qui voulait écrire en ami des hommes ? sinon distinguer entre les exposés des Anciens ; rétablir l’accord entre leurs discordances, et déclarer ceci hautement, en termes précis : Dans leurs écrits, ils ont tous employé des mots vulgaires pour annoncer le sens caché de la science unique ; tandis qu’ils ont composé les catalogues des espèces en mots symboliques, distinguant, comme il leur était permis, les gens intelligents et les gens dépourvus de sens. Car l’intelligence n’est pas donnée à tout le monde, et tout le monde n’est pas capable d’entendre simplement la science ; mais la plupart s’en moquent, alors qu’on leur fait entendre la vérité. » (p. 387 et 388) « La prophétesse hébraïque s’est écriée sans réticence : “Un devient deux, et deux deviennent trois, et au moyen du troisième, le quatrième accomplit l’unité ; ainsi deux ne font plus qu’un. » (p. 389) |