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  • Martin Buber (éd.) | Les Récits hassidiques | Éd. du Rocher, 1980
Écrit par : Martin Buber
Titre : Les Récits hassidiques
Date de parution : 1980
Éditeur : Ed. du Rocher
 
 

Martin Buber, Les Récits hassidiques, éd. du Rocher, 1980, 745 pp.

L’ouvrage fut particulièrement apprécié par le cabaliste belge Emmanuel d’Hooghvorst dans les commentaires duquel on trouve d’innombrables références, explicites ou non, à ces récits soigneusement recueillis par Buber. Ils témoignent, à n’en pas douter, de la vivacité du judaïsme dans l’Europe orientale des XVIIIe et XIXe siècles.

Le hassidisme est un mouvement religieux initié par le Baal Shem Tov, le « Maître du Bon Nom », d’Ukraine (1700-1760). Les hassidim, « pieux », constituent des communautés rassemblées autour de maîtres, rabbins ou tsadikim (« justes »). Certaines formes prises par l’enthousiasme qui anime ce courant (extases, prières ou récitations exaltées, etc.), pourraient faire croire à une attitude « mystique » sans plus. Cependant, les maîtres et leurs disciples s’appuient constamment sur la Torah, sur le Talmud et sur la littérature cabalistique en général (la doctrine d’Isaac Louria, par exemple).

Il n’est pas très utile de reproduire l’ensemble des principaux représentants du hassidisme retenus ici par Buber ; outre le Baal Shem, contentons-nous de citer le Grand Maggid, le Voyant de Lublin, Rabbi Schmelke et Le Yehoudi (« le Juif »). Pour le lecteur, il serait d’ailleurs peut-être plus intéressant de lire la longue « Introduction » biographique que l’auteur consacre à tous ces personnages (pp. 3 à 80), après avoir lu les récits mêmes.

De quoi s’agit-il ? D’événements, de commentaires scripturaires, d’incidents, de dialogues, aux allures souvent anecdotiques, parfois surnaturelles, de lecture presque toujours aussi intéressante qu’agréable, illustrant la nature et l’enseignement du hassidisme. Quelques extraits :

« En vous en allant comme vous l’avez fait, me laissant seul [dit le Baal Shem à ses compagnons], vous m’avez fait souffrir une grande déréliction. Aussi je vous dirai une parabole : Vous connaissez des oiseaux migrateurs qui prennent leur vol, à l’automne, pour les pays chauds. Or voilà qu’un beau jour, dans l’un de ces pays de l’Orient, les indigènes aperçurent, au milieu de leurs hôtes ailés, un magnifique oiseau dont le plumage éblouissant était une splendeur, si beau que jamais œil humain n’avait vu le pareil. Il alla se poser tout à la pointe du plus haut des arbres, et là il fit son nid. Le roi de ce pays, ayant appris la chose, donna ordre de dénicher le bel oiseau ; et c’est ainsi qu’il commanda à ses sujets d’ériger une échelle humaine au long de cet arbre, chacun grimpant sur les épaules de l’autre jusqu’à tant que le dernier fût à hauteur du nid pour le prendre. Seulement il fallut longtemps pour dresser cette échelle vivante. Et ceux d’en bas perdirent patience et s’agitèrent ; tout s’effondra. » (p. 105)

« Yehiel, le petit-fils de Rabbi Baroukh, jouait un jour à cache-cache avec un autre petit garçon. Il se trouva une fameuse cachette, s’y fourra et attendit que son camarade vînt l’y découvrir. Mais ayant longuement attendu, il finit par s’en extraire et ne vit nulle part son petit camarade. Il s’aperçut alors que l’autre ne l’avait aucunement cherché et ce furent des larmes et des larmes. L’enfant courut, toujours sanglotant, vers son grand-père pour se plaindre à grands cris du mauvais camarade, de ce méchant garçon qui n’avait pas voulu le chercher quand il était si bien caché ! Et c’est à grand-peine que le Tsaddik parvint lui-même à retenir ses larmes : “C’est exactement aussi ce que dit Dieu, dit-il : Je me cache, et personne ne veut me chercher !” » (pp. 157 et 158)

« Rabbi, lui dirent-ils [les disciples de Rabbi Pinhas], nous débattions du grand souci que nous avons d’être poursuivis par le Mauvais Penchant. – N’en prenez pas tracas, répondit le Rabbi, vous n’êtes point encore parvenus si haut, qu’il soit besoin pour lui de vous poursuivre ; c’est vous, pour le moment, qui courez après lui. » (p. 203)

« Parlant sur ce verset de l’Écriture : “Partons et marchons ensemble, et je marcherai face à toi” [Genèse 33, 12], Rabbi Mikhal disait : “Ainsi le Mauvais Penchant parle en secret à l’homme. Car lui, le Penchant Mauvais, doit et veut devenir bon, et cela en incitant l’homme à le dompter et le tourner en bien. Telle est sa secrète prière à l’homme, son vœu caché, à la séduction duquel il travaille : Tirons-nous donc de cette ignominieuse condition et allons au service du Créateur, que moi aussi je t’accompagne et monte, avec toi, de degré en degré, alors même que je semble marcher face à toi, te combattre et te retenir.” » (pp. 217 et 218)

« On ne doit pas se mortifier, affirmait souvent le Rav de Berditshev. Les mortifications ne sont rien qu’une maligne entreprise du Mauvais Penchant, qui veut nous affaiblir l’esprit pour mieux nous détourner du parfait service de Dieu. » (p. 321)

« Rabbi Shlomo posait cette question : “Quel est le pire mal que puisse faire le Mauvais Penchant ?” Voici la réponse qu’il y faisait lui-même : “C’est lorsque l’homme oublie qu’il est un fils de roi”. » (p. 381)

« Lorsque le prophète ne prononce pas sa prophétie, elle ne peut se réaliser. » (p. 398)

« Savez-vous comment j’ai été fait Juif ? Mon maître, le saint Rabbi de Kalev, m’a tiré l’âme du corps ; et cette âme, il l’a savonnée, frottée, rincée et essorée comme font avec le linge les lavandières au bord de l’eau, il l’a séchée, pliée et il me l’a rendue propre et nette. » (p. 488)

« Quelle est la voie de [Rabbi] Lehovitz ? demandait un Tsaddik à un autre Tsaddik. – La voie de Lehovitz ? C’est que la parole, telle qu’on la prononce, vous sorte du talon. C’est là que se vérifie ce qui est écrit : “Tous mes os parleront” [Psaume 35, 10]. » (p. 541)

« [Rabbi Moshé Teitelbaum] pénétra au Paradis des Tannaïm [docteurs de la Mishna], où il vit l’un des maîtres assis, le chef coiffé d’un bonnet de fourrure, en train de méditer sur le traité de “La Première Porte”. Le chemin n’allait pas plus loin, ce qui étonna fort Rabbi Moshé. “Impossible! ce  n'est pas là le Paradis !” se dit-il. Mais les Anges lui répondirent : “Tu te figures, toi jeunesse, que les Tannaïm sont dans le Paradis ; mais non ! c’est le Paradis qui est dans les Tannaïm !” » (p. 579)

« Le fou dit ce qu’il sait, et le sage sait ce qu’il dit. » (p. 654)

« Lorsqu’un Juif veut suivre la voie juste, la voie de Dieu, il ne lui reste qu’une chose : l’offrande. Et pour s’offrir à Dieu, il doit se retirer des hommes, de tous les hommes : pas seulement des mauvais, mais aussi des bons. » (p. 698)

« À qui devient un guide, certaines choses sont indispensables : une Maison d’étude, une chambre, une table et des chaises, et des gens dont l’un sera le serviteur, un autre l’homme de confiance, etc. Mais c’est alors qu’arrive l’Adversaire, le Mauvais, pour extirper le tout petit point le plus intérieur, alors que tout le reste demeure comme devant, et que la roue continue à tourner ; il manquera seulement le petit point tout intérieur. » (p. 719)

 

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