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  • Jean-Marie d'Ansembourg (éd.) | Le Fil d'Ariane (tome 1) | Walhain-saint-Paul, 1977
Écrit par : Jean-Marie
d'Ansembourg
Titre : Le Fil d'Ariane (tome 1)
Date de parution : 1977
Éditeur : J.-M. d'Ansembourg
 
 
 

Jean-Marie d’Ansembourg, Le Fil d’Ariane n°1, Walhain-St-Paul, Été 1977.

­­­­­­­­­­­Le Fil d’Ariane est une revue trimestrielle sur les religions et l’hermétisme fondée en 1977 par le très érudit professeur de grec Jean-Marie d’Ansembourg. Nous présentons ici le premier numéro de cette revue.

L’éditeur-fondateur introduit le Fil d’Ariane en ces termes : « Le titre de notre revue veut rappeler à la fois le subtil moyen de sortir du labyrinthe et le lien d’amour qui unit les chercheurs et les croyants désireux de recouvrer leur liberté perdue dans ce bas monde. Ce lien fraternel a été célébré dans la chanson ‘Les Fils de la Vierge’ de l’ancien compagnonnage :

‘ Il savourait une douce ambroisie
quand un fantôme apparut à ses yeux :
c’était celui de la vierge Marie
tissant en main un écheveau soyeux ;
je suis ici patronne et souveraine,
prends de mes fils pour former tes couleurs,
car désormais tu tisseras la chaîne
qui doit servir à lier tous les cœurs.’

Sans le fil caché, nous nous ferons tôt ou tard dévorer par le Minotaure, puisque nous sommes nés dans le labyrinthe. Nous pourrons bien ruser quelques temps, mais la bête nous surprendra à la fin, à moins que nous ne soyons aimés d’Ariane. » (p. 5)

Un peu plus loin, le philosophe Emmanuel d’Hooghvorst se montre très explicite sur ce dédale : « Le roi Minos nous rappelle l’origine législative du labyrinthe : un dédale au milieu duquel le sage a caché son sel. On n’en peut sortir vainqueur sans cette épée et ce fil qui sont un don divin. Toute la mythologie, elle aussi, est un dédale dont il est impossible de sortir seul. Il en est de même des textes hermétiques où ont erré vainement bien des chercheurs qui n’en sont jamais revenus. Méfions-nous des faux dédales, des sagesses vaines et d’un occulte vide de sens, vide d’Icare non engendré, où l’ange ne vole qu’ne rêve. Mais il y a aussi des restes de l’œuvre solaire. Ils subsistent encore. Sont-ils des dédales morts ? Il suffirait pourtant d’un fil d’Ariane pour faire refleurir le sel ancien qui s’y trouve caché. » (pp. 10-11)

Dans leur article « Introduction à l’Hermétisme de Virgile », Claude Froidebise et Stéphane Feye montrent que l’œuvre de Virgile renferme un sens bien plus profond que ce que les interprétations modernes de Virgile nous laissent croire  : « ‘Muses de Sicile, élevons un peu le sujet de nos chants (Buco., IV, 1)’ il ne faut pas y voir avec les critiques modernes ‘un besoin exigeant de dépassement et un effet pour renouveler le genre bucolique’, mais bien l’affirmation que les Muses ont bien inspiré le poète. Le texte dit littéralement : ‘Chantons des choses un peu plus grandes’ et non ‘Je vais chanter’, le pluriel est utilisé car ce sont les Muses unies au poète qui chantent, le poète servant de flûte aux Muses soufflant leur air. Nous devinons alors ce qui donne ce complément de grandeur : le poème est devenu le support ou plutôt l’habit de quelque chose d’infiniment plus grand que lui et qui le transcende. C’est sous-entendre aussi que sans l’inspiration sacrée, le texte pourrait paraître poétique, certes, mais resterait sans grandeur en un mot profane. » (pp. 18-19)

Si Virgile est souvent mal compris, Paul de Tarse l’est également : « En quoi vous pouvez, en me lisant, vous rendre compte de ma compréhension du mystère du Christ, lequel n’a pas été connu des autres générations, des fils des hommes, comme il a été révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes, en esprit […] (Ephésiens, III, 3-5) » De nombreuses traductions de ce passage rendent ‘autres générations’ par ‘âges précédents’, ‘hommes des temps passés’, etc., alors que le mot ‘heteros’, ‘autre’, n’a nullement un sens d’antériorité. Sur base de commentaires de Saint Jérôme, Jean-Marie d’Ansembourg dénonce cette erreur et présente une autre interprétation de la citation : « En d’autres mots, c’est aux ‘fils des hommes’, qui sont aussi appelés ‘autres générations’, que le secret de Dieu a été caché. Seuls les fils de Dieu l’ont connu ; que ceux-ci soient venus avant ou après l’an zéro de notre ère est une question oiseuse ! » (p. 27)

Dans la tradition hébraïque, nous dit A. Gosselin dans son article intitulé La Maintien du monde dans la Torah, il est souvent malaisé de comprendre la distinction entre Elohim et Adonaï. Reuchlin, grand kabbaliste chrétien de la Renaissance se montre explicite : « Dieu, ineffable avant la création, fut appelé pendant la création : Elohim et après la création, habitant dans le monde comme dans son Temple : Adonaï. (De Arte Cabalistica, trad. Par F. Secret, Aubier Montaigne, 1973, p. 265) » [cité par Anne Gosselin] (p. 33)

Présentons maintenant l’extrait d’un poème de Marie Fizaine :

« Ces grands cerveaux d’orgueil humain,
qui pour mentir se tiennent la main,
et montent encore à la chapelle
sans plus savoir qui les appelle.
Ces lourdes masses de mensonge
qui ne veulent plus sortir du songe,
ces paroles vaines, ces esprits creux,
qui font du bruit jusques aux cieux.
Qui nous dira la vérité ? » (p. 42)

Un conte inédit de Louis Cattiaux est présenté dans ce premier Fil d’Ariane : « Cet homme étrange était l’ami de tous les moines qui le recevaient à tour de rôle pendant ses pérégrinations secrètes. Un jour qu’il était l’hôte d’une grande communauté, il remarqua parmi les moines un abbé décoré de la légion d’honneur. S’avançant aussitôt vers lui, il s’agenouilla et pria aussitôt les frères d’en faire autant. Puis après avoir adoré par trois fois, il parla ainsi : ‘O puissant Seigneur, ô généreux, ô vaillant, ô Saint, nous reconnaissons grâce à ton signe, ta force, ton amour, ton courage et ta foi. Dieu soit loué de nous avoir donné un maître tel que toi. Nous nous reconnaissons volontiers comme des lâches et comme des idiots, nous tous qui ne portons pas la légion d’honneur, et nous nous humilions devant toi, ô vaillant parmi les vaillants. Pardonne seulement à notre néant, ô héros, et accepte notre humble hommage.’ Ayant ainsi parlé, il se tourna vers les moines stupéfaits et continua : ‘Frères, je propose que chacun fasse et offre une médaille au grand maître vertueux qui consent à habiter parmi nous. Nous augmenterons ainsi certainement sa valeur et sa gloire. Pour moi, je lui offrirai une croix noire avec un ruban noir, … une croix noire avec un homme cloué dessus… un homme blanc au dehors et rouge au-dedans… un homme rouge coiffé d’une couronne d’épine.’ Quand il se retourna, il ne vit plus qu’un petit tas de poussière immobile qu’il recueillit soigneusement et qu’il porta dans sa cellule sans dire mot. Et il pleura sur la cendre et commença à pétrir en forme d’homme le limon ainsi obtenu, puis, soufflant dessus, il dit simplement « va » et l’abbé nu s’enfuit épouvanté de la chambre de l’homme étrange, dont nul n’a jamais connu le véritable nom. » (pp. 47-48)

Citons quelques récits sélectionnés par le Fil d’Ariane dans la Célébration Hassidique (Seuil, 1972) d’Elie Wiesel : « Un matin, le Baal-Shem-Tov pria plus longtemps que de coutume. Fatigués, les disciples s’en allèrent. Plus tard, le maître leur dit avec mélancolie : ‘Imaginez un oiseau rare au sommet d’un arbre. Pour s’en emparer, les hommes formèrent une échelle vivante qui permit à l’un d’eux de grimper jusqu’en haut. Mais ceux d’en bas, ne pouvant voir l’oiseau, perdirent patience et rentrèrent chez eux. L’échelle se disloqua et là-haut, l’oiseau rare s’envola’. » (p. 49)

Et encore : « Imaginez un palais aux portes innombrables, dit le Baal-Shem-Tov à son entourage. Devant chaque porte, un trésor attend le visiteur qui, y puisant à sa guise, n’éprouve pas le besoin de continuer. Pourtant tout au bout des couloirs, il y a le Roi prêt à recevoir celui de ses sujets qui pensent à lui et non aux trésors. » (p. 49)

Et pour terminer : « Imaginez deux enfants qui jouent à cache-cache ; l’un se cache et l’autre ne le cherche pas. Dieu se cache et l’homme ne le cherche pas : imaginez sa peine ! » (p. 50)

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