Écrit par : Artémidore d'Éphèse
- Féstugière
Titre : La Clef des songes
Date de parution : 1975
Éditeur : Vrin
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Artémidore d'Éphèse, La Clef des songes, trad. A. J. Festugière, Vrin, Paris, 1975, 300 pp.
Pour tous ceux qui s’intéressent à l’interprétation des rêves, ce livre est le meilleur vade-mecum qui soit, encore actuellement : «La présente étude s’est trouvée nécessaire à cause de son utilité non seulement pour nous-mêmes mais pour les hommes à venir» (p. 15). Artémidore d’Éphèse (IIe siècle) l’a rédigé sous l’injonction d’En Haut : «C’est par obéissance à Apollon, le dieu de ma patrie, que je me suis mis à l’œuvre pour ce traité, Apollon qui m’a souvent encouragé, mais qui surtout est venu visiblement à mon chevet et m’a, peu s’en faut, donné l’ordre d’écrire ce livre» (p. 179). Ce que l’auteur expose est basé sur une longue expérience : «Tout cela, je l’écris non pas par conjecture ou en combinant des raisons d’après la seule vraisemblance, mais pour avoir souvent observé les accomplissements qui chaque fois résultaient du rêve» (p. 142). Et : «c’est l’expérience que j’appelle toujours à mon secours comme témoin et règle de ma doctrine» (p. 179). Dans cet art, subtil, voici la règle de base : «L’interprétation des songes n’est rien d’autre qu’un rapprochement du semblable avec le semblable» (p. 133). Un exemple parmi des centaines d’autres : «Alexandre de Macédoine… assiégeant Tyr et la serrant de près et se fâchant et chagrinant du temps perdu, rêva qu’il avait vu sur son bouclier un satyre jouant. Aristandros [devin d’Alexandre] se trouvait être à Tyr et accompagner le roi dans sa guerre contre les Tyriens. Il divisa le nom satyros [s£turoj] en sa Tyros [s¦ TÚroj] («Tyr est à toi») et fit ainsi que le roi combattit avec plus d’ardeur, en sorte qu’il prit la ville.» (p. 233) En cinq livres, Artémidore explique les différentes applications possibles de cet unique principe. En outre, dans les deux premiers, il analyse les nombreux thèmes dont il arrive à l’homme de rêver : parties du corps (tête, cheveux, oreilles, dents, etc.) ; arts, métiers ; phénomènes atmosphériques ; animaux, plantes ; objets (argent, vêtements, instruments de musique, etc.)… Pour un Moderne, certains thèmes peuvent a priori paraître «dépassés» : qui rêve aujourd'hui d'esclaves, de gladiateurs, de dieux païens, etc.? Il ne semble pourtant pas difficile d’imaginer leurs équivalents actuels ; par exemple, on peut rêver, sinon d'un esclave stricto sensu, du moins d'un employé, d'un subordonné plus ou moins exploité ; ou pour ce qui est du domaine des divinités : «Tel peuple honore tel dieu, tel autre un autre, mais ils se réfèrent tous au même objet.» (p. 29) Les livres III et IV, sans ordre bien défini, cherchent à combler les lacunes des deux premiers livres, signalées par certains amis ou détracteurs. Le cinquième et dernier livre ajoute, au grand nombre de rêves exposés et commentés dans les livres précédents, une nouvelle liste de rêves brièvement décrits, avec leur réalisation. Les conseils donnés par l’auteur sont pratiques. Il ne cache pas les erreurs parfois commises dans cet art. Toujours, il explique le pourquoi de telle ou telle interprétation, qu’elle se soit avérée exacte ou fausse. Plusieurs songes reproduits ci-dessous nous ont paru particulièrement intéressants d’un point de vue philosophique et religieux : «Rêver qu’on a des oreilles d’âne n’est bon que pour les philosophes, parce que l’âne est prompt à remuer les oreilles. Pour les autres, cela signifie esclavage et misère.» (p. 39) «Les amandes, noix, ce qu’on nomme noisettes et tous fruits qui se cassent annoncent trouble à cause du craquement et chagrins parce qu’ils sont naturellement amers. Je connais un homme, de ceux qui en Grèce ont la robe prétexte [robe de magistrat], qui crut voir en rêve qu’il recevait de quelqu’un une noix, et, une fois réveillé, il se trouva qu’il tenait en main cette noix. Il lui arriva de subir une foule de maux et, au terme, de perdre ses droits civiques.» (p. 78) «Si l’on voit [en rêve] un puits dans la maison ou dans un champ alors qu’il ne s’y trouvait pas [en réalité], c’est bon : cela signifie en effet accroissement de fortune, et, pour un homme célibataire et sans enfant, une femme et des enfants : car il y a des nymphes dans le puits et, comme une femme, le puits procure aux habitants les choses nécessaires dont ils ont besoin.» (p. 136) «Déméter, Koré […] signifient, pour les initiés à ces déesses, qu’il leur viendra un bien et pas ordinaire ; pour les non-initiés, elles amènent d’abord quelque sorte de crainte et de périls, mais ensuite elles n’assurent en rien moins quelque chose aussi de bon.» (p. 159) «Sarapis, Isis, Anubis, Harpocrate, eux-mêmes ou leurs statues, et leurs mystères et toute la doctrine qui les concerne, eux et les dieux qui partagent leurs temples et leurs autels, signifient troubles, périls, menaces, pénibles circonstances, desquels pourtant aussi, contrairement à l’attente et aux espoirs, ils délivrent : car ces dieux passent pour être les sauveurs de ceux qui sont arrivés au comble des maux et à un péril extrême, mais ceux qui désormais en sont là, tout soudainement ils les sauvent. D’une manière spéciale pourtant, leurs mystères sont significatifs de deuil : et de fait, même si leur doctrine physique a un autre contenu, leur doctrine mythique du moins et celle qui concerne leur légende indique le deuil.» (pp. 159 et 160) «Sache que si tu vois [en rêve] un de tes amis et pourtant passes le jour suivant en mauvais état, cet ami en vérité te hait et son amitié est feinte ; si en revanche tu vois un de tes ennemis et que pourtant tu passes le jour suivant en bon état, sache que c’est à tort que tu le hais.» (pp. 226 et 227) «Comme il demandait [en rêve] s’il parviendrait à Rome, quelqu’un lui répondait «Non» [OÙ]. Il y parvint [en réalité] au bout de quatre-cent-soixante-dix jours : car il n’y avait aucune différence entre dire le chiffre même [470] et dire le nom de la lettre qui exprime le nombre [o = 70 ; u = 400].» (p. 232) _________________________________________________________________ |