Écrit par : Jean Reuchlin - Hans
van Kasteel (trad.)
Titre : Le Verbe qui fait des
merveilles
Date de parution : 2014
Éditeur : Beya
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J. Reuchlin, Le Verbe qui fait des merveilles, Beya, Grez-Doiceau, 2014, XVIII + 310 pp.
Jean Reuchlin (1455-1522) est, avec Jean Pic de la Mirandole, un de ces nombreux cabalistes chrétiens qui, maîtrisant l’hébreu et imprégnés de l’enseignement rabbinique, sont à même de commenter les Écritures de manière éclairée, c’est-à-dire dans une optique proprement messianique, donc chrétienne. Le Verbe qui fait des merveilles en témoigne… à merveille ! L’objet principal de l’ouvrage est l’explication de la vertu et de la signification des noms ou titres divins les plus répandus, non seulement dans la tradition judéo-chrétienne (le tétragramme, Jésus, Christ, les sephirot, le Père, le Fils, etc.), mais aussi dans la gréco-romaine (Jupiter, l’Éther, la Nuit, Hermès, etc.). Manifestement, Reuchlin voile sa science, comme il ressort en particulier du chapitre 21 du Livre II, et des dernières lignes du Livre III. On n’en lira pas moins ses commentaires avec beaucoup d’intérêt et d’agrément. Un chrétien éclairé n’aura aucun mal à mettre en œuvre la parole du Christ, « à condition d’observer la manière transmise par le maître ! » (p. 274) La traduction, de Monsieur van Kasteel, est très soignée. Nous y avons cependant découvert deux coquilles : – La dernière phrase de la p. 67 est en réalité une citation de Juvénal, Satires, VI, 545 à 547. – La traduction de la dernière citation de la p. 223, référencée dans la note 600, est erronée : la forme Iovis n’est pas un vocatif (en soi théoriquement possible), mais, comme le montre le texte original grec, un génitif ; au lieu donc de traduire : « Ô [toi] Jupiter qui possèdes l’auguste puissance », il aurait fallu écrire : « Ô toi qui de Jupiter possèdes l’auguste puissance », ce qui, dans le contexte, n’est pas sans importance. Cela dit, nous ne saurions assez recommander la lecture de ce livre, passionnant d’un bout à l’autre, dont voici quelques échantillons : « De même que la propriété par laquelle nous sommes transformés en Dieu, et par laquelle nous dépassons la nature humaine, est secrète et cachée pour nous, de même, et à très juste titre, Dieu lui a donné [à l’homme] des noms également cachés et secrets. Il leur a attaché certaines conventions : si on les observe et qu’on les prononce à la manière due, il ne tarde pas à venir lui-même et à être présent selon nos vœux. » (p. 107) « Dieu est esprit (spiritus) ; le mot, une expiration (spiratio) ; l’homme, un être respirant (spirans). Dieu est dit lÒgoj [“Verbe”] : la parole est appelée de ce même terme ; la raison humaine est exprimée par le même mot. Dieu est vu par notre pensée (mente) et enfanté par la parole. » (p. 108) « Le moyen le plus apte pour concilier l’homme et Dieu […], c’est donc un certain usage de la parole. » (p. 120) « Ce en quoi la nature exerce le mieux l’art magique, c’est la parole de Dieu. » (p. 126) « Les noms et les mots divins ont effectivement une vertu merveilleuse. C’est pour elle qu’il faut conserver intactes la forme humaine : si on le détruit, l’esprit (spiritus) enclos dans le corps disparaît, et de même toute sa vertu. » (p. 134) « Qui en ce siècle d’alors m’aurait montré le Père et le Fils dans la pierre ? La Sainte Écriture l’a appelée en hébreu ]ba, aben. Or c’est un fait que dans cette langue, ba, ab, signifie “Père”, et ]b, ben, “Fils”. Ces trois lettres réunies en deux syllables font ]ba, aben, c’est-à-dire “pierre”. » (p. 218)
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