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  • Yehouda Ashlag | Le désir de Cabale (4) | Fil d'Ariane, 1988, n°35

Le désir de Cabale 
Rabbi Ashlag
Traduction de Stéphane Feye
 
« Bien peu savent que la richesse première et
dernière est cachée dans le cœur des hommes exilés. »

Le Message Retrouvé I, 55

Tout ce que Rabbi Ashlag nous a exposé jusqu’à présent, il le développe maintenant de manière complexe. Nous savons que plusieurs chapitres paraîtront difficiles, voire inaccessibles à beaucoup.

On se demande même parfois s’il est bien utile de se perdre dans de si nombreuses subtilités, alors que tout se résume au simple « don de Dieu » qui mûrit à l’intérieur de l’homme béni !

Néanmoins, le système séphirotique, presque omniprésent dans les commentaires juifs, est décrit ici avec précision. Les Hébraïsants (et spécialement les étudiants du Zohar glosé par Rabbi Ashlag) seront heureux de trouver, dans les pages qui vont suivre, bon nombre de réponses à leurs questions. Quant aux autres, qu’ils nous pardonnent les termes techniques indispensables que nous avons dû laisser en hébreu ; qu’ils laissent de côté les choses obscures ou les chapitre inabordables et qu’ils se nourrissent des autres qui ne sont pas dénués d’intérêt. Nous pouvons les assurer que nous avons fait le maximum pour clarifier et simplifier le texte original.

 

*

Préface à l’édition du Zohar (suite)

34. Pour permettre à ses créatures d’atteindre le degré sublime dont nous avons parlé, le Saint, béni soit-Il, a voulu les y disposer par étapes : ce sont quatre degrés, imbriqués l’un dans l’autre, et qui s’appellent : Minéral, Végétal, Animal, Discours. Il s’agit, bien sûr, de quatre aspects du désir de recevoir, et tout le monde, issu des mondes d’en haut, participe à ces quatre aspects. Bien que la racine du désir se trouve en chacun de ces états, le quatrième ne peut se manifester en une fois. Il a besoin des trois degrés précédents où il se développe ; il s’en dégage peu à peu pour arriver à la plénitude de sa forme ; le quatrième degré (pour plus d’explications, voir Talmud Esêr sephirot, chap. 1. page 6).[1]

35. Analysons ces quatre stades du désir de recevoir. Le premier, appelé Minéral[2], est un commencement de manifestation du désir de recevoir dans ce monde matériel-ci. Il n’y a là qu’une puissance de mouvement, une puissance générale incluant tout genre de minéral, mais dont les espèces particulières sont privées : aucun mouvement n’y apparaît. Car le désir de recevoir a une mesure trop petite, il ne règne que sur le principe général sans que sa domination apparaisse dans les individus.

36. Le deuxième stade du désir de recevoir, appelé Végétal, a une mesure déjà plus grande que celle du minéral.

Le désir de recevoir règne ici en chaque espèce particulière. Chaque individu a son organisation propre. Il se propage en longueur et en largeur. Il s’oriente vers le lieu du lever du soleil. En chacun on peut observer le phénomène de la manducation, du boire, et du rejet des fèces. Mais dans ce règne, le mouvement libre individuel est encore absent.

37. À ce règne s’ajoute l’espèce Animal, troisième stade, déjà plus accompli du désir de recevoir qui engendre en chaque individu le mouvement libre individuel, la vie spécifique, différenciée de celle du voisin. Mais bien sûr, on n’y trouve pas encore le mouvement altruiste : on ne voit encore aucune disposition à souffrir de la souffrance du prochain ou à se réjouir de la joie de son voisin etc. [3]

38. À ces trois règnes vient s’ajouter l’espèce d’Adam, quatrième aspect du désir de recevoir. C’est l’état final, accompli. C’est son désir de recevoir qui produit en lui le mouvement altruiste. Et si vous voulez un argument percutant pour vous faire comprendre combien ce quatrième stade est différent du troisième, je vous dirai qu’on peut le comparer à la création d’un seul être par rapport à toute la réalité. En effet, dans l’espèce animale, le désir de recevoir n’engendre des manques et des besoins que dans la seule mesure imprimée dans l’instinct de cette créature, tandis que l’homme qui possède le mouvement altruiste, a de l’appétit pour tout ce qui est extérieur de lui, et il s’acharne à s’en emparer. Cette portion du désir crée des manques et des besoins qui l’amplifient continuellement jusqu’à ce qu’il désire engloutir tout l’être du monde entier.

39. Nous avions démontré que l’objectif visé par le Créateur* lors de sa création, était avant tout de réjouir ses créatures, dans le mesure où elles reconnaîtraient sa vérité et sa grandeur et où elles recevraient de Lui tout le bien et la jouissance qu’Il leur avait destinés. Nous avions d’ailleurs cité à ce sujet le verset de Jérémie : « Éphraïm est-il pour moi un fils chéri ou un enfant de délices etc. ? »[4] (Jérémie XXXI, 20).  Il vous est maintenant facile de déduire que cet objectif ne sera pas espéré chez les minéraux et les grandes sphères comme la terre, la lune et le soleil, ni chez les végétaux, ni chez l’espèce animale qui est privée de mouvement altruiste même quand il s’agit des êtres de leur espèce qui sont leurs semblables. C’est en vain qu’on attendra en tous ceux-là le mouvement gratuit et convenable.

Seule l’espèce des hommes qui possèdent la disposition au mouvement altruiste et çà l’inclination envers leurs semblables, est visée par cet objectif. Encore faut-il que par le labeur de la Torah et des commandements ils transforment leur désir de recevoir en désir de combler et qu’ils arrivent à l’identification à leur créateur. Dès lors, ils reçoivent tous les degrés qui leur ont été préparés dans les mondes supérieurs, c’est-à-dire les degrés appelés : esprit, souffle, âme, vie, unité. Voilà comment ils sont rendus aptes à recevoir l’objectif du projet de la création.

Il est donc démontré maintenant que la volonté de création de tous les mondes n’a que l’homme pour objet.

40. Je sais très bien que tout cela n’est pas accepté par une partie des philosophes et que cela ne cadre pas avec leurs opinions. Ils ne peuvent admettre que l’homme, qui est vil et insignifiant à leurs yeux, soit le résumé de toute la grande et sublime création !

Ils font penser à cette chenille qui était née dans un radis et qui y restait tout en se disant que le monde du Saint, béni soit-Il, était si triste, si obscur, et  tellement petit, exactement comme le radis dans lequel elle avait pris naissance ! Pourtant, un jour, elle creva l’écorce du radis et le vit cette fois de l’extérieur. Stupéfait, elle s’écria : « et moi qui pensais que le monde entier avait la dimension de mon radis natal ! Dire que je vois maintenant devant moi un monde grand, illuminé, formidable et admirablement beau ! »

De même, ces philosophes, enfoncés dans l’écorce de leur désir de recevoir où ils sont nés, n’ont pas essayé de recevoir les assaisonnements spéciaux que sont la Torah et les commandements à la pratiquer, dont le rôle est justement de fissurer cette dure enveloppe et de la transmuer en désir de combler et de contenter l’esprit de leur créateur. Et les voilà bien obligés de statuer sur leur néant et leur nullité (ce qui est effectivement leur état), sans être capables pour autant de se hisser à la connaissance de ce que toute cette grande réalité n’a été créée que pour eux.

Cependant, s’ils vaquaient à la Torah et aux commandements pour contenter leur créateur avec toute la candeur qui convient, et s’ils en arrivaient à fendre l’écorce du désir de recevoir dans laquelle ils sont nés, pour recevoir le désir de combler, leurs yeux s’ouvriraient immédiatement ; ils se verraient eux-mêmes, ils se comprendraient eux-mêmes, ainsi que tous les degrés de la sagesse, du discernement et de la connaissance lucide ! Ne saisiraient-ils pas alors le charme, la béatitude et l’amour qui ont été préparés pour eux dans les mondes spirituels, et ne reprendraient-ils pas alors à leur compte ces paroles de nos sages* :

« Un bon hôte, que dit-il ? – tout ce que leur maître de maison s’est donné la peine de faire, il ne l’a fait que pour moi ! »[5]

41. Mais en fin de compte, il nous reste à exposer pourquoi Il* a créé tous ces mondes d’en haut pour l’homme et comment celui-ci en a besoin. Vous devez savoir que le principe général de tous les mondes se subdivise en cinq. Ces 5 mondes sont appelés :

  1. Adam primordial (Adam Qademon)
  2. Émanation (Atsilout)
  3. Création (Beriah)
  4. Formation (Letsirah)
  5. Action (Assiah)
Bien sûr, chacun de ces mondes peut lui aussi se subdiviser à l’infini, mais pour l’instant, examinons-les en regard des 5 séphirot :
Kether (couronne), Hocmah (sagesse), Binah (distinction), Tipheret (beauté) et Malcout (royaume).
Kether, c’est le monde de l’Adam primordial
Hocmah, c’est le monde de l’Émanation
Binah, c’est le monde de la Création
Tipheret, c’est le monde de la Formation
Malcout, c’est le monde de l’Action.
Quant aux lumières qui viennent se revêtir de ces 5 mondes, on les appelle :  1) Unité.  2) Vie.  3) Âme.  4) Souffle.  5) Esprit. [6]

Chacune de ces lumières éclaire respectivement chacun de ces mondes : la lumière de l’Unité illumine le monde de l’Adam primordial (Kether).

Celle de la Vie illumine le monde de l’Émanation (Hocmah).

Et ainsi de suite…

En bref, tous ces 5 mondes et leur contenu sont exprimés par les 4 lettres du nom הוהי (IHVH, transcrit vulgairement Jéhovah ou Yahweh) auxquelles s’ajoute la petite couronne du yod[7], qui correspond au premier monde (Adam primordial). en effet, sur celui-ci nous n’avons aucune prise, et c’est pourquoi on n’y fait allusion que par la petite couronne du nom sacré. voilà aussi pourquoi nous ne parlons pas de lui ; nous ne mentionnons d’habitude que les 4 mondes correspondant aux quatre lettres : yod (י), Émanation ; hé (ה), Création ; vav (ו), Formation ; et enfin le hé (ה) le plus bas, le monde de l’Action.

42. Ces 5 mondes comprennent donc toute la réalité spirituelle, s’étendant de l’Ain Sof* jusqu’à ce monde-ci. Ils sont imbriqués l’un dans l’autre, et en fait, chacun de ces mondes les contient tous les 5 comme nous l’avons dit, et les 5 lumières se revêtent de ces 5 mondes.

Hormis ces 5 séphirot que l’on trouve en tout monde, il existe aussi 4 stades spirituels : minéral, végétal, animal, discours.

Le stade discours, c’est l’âme de l’homme.
Le stade animal ce sont les anges qui s’y trouvent.
Le stade végétal porte le nom de « vêtements ».
Le stade minéral, on le nomme « tabernacles » (temples, palais).

On considère que ces 4 stades se revêtent l’un de l’autre : les âmes des hommes (stade discours) recouvrent les 5 séphirot divines de ce monde-là (cette question des séphirot, 10 au total, qui sont divines, sera traitée plus loin dans l’introduction à la lecture du Zohar).

Les anges (stade animal) recouvrent ce premier stade.
Les vêtements (stade végétal) recouvrent les anges.
Quant aux tabernacles (stade minéral), ils protègent et environnent tous les autres.

Cette notion de revêtement s’explique par le fait que tous ces stades communiquent et sont imbriqués les uns dans les autres. Donc ils s’affranchissent les uns des autres de la même manière que les espèces (minérale, végétale, animale, discours) matérielles de ce monde-ci, dont nous avons traité (chap. 35 à 37). De même que les 3 premiers stades ne viennent pas à l’existence pour eux-mêmes, mais uniquement pour que le quatrième (l’espèce de l’homme) puisse se déployer et monter grâce à eux, de même en est-il dans les mondes spirituels où les 3 aspects inférieurs (tabernacles, vêtements, anges) ne sont là que pour assister le quatrième (l’âme de l’homme) et lui permettre de monter.

La conclusion de cela, c’est que tous ces aspects recouvrent l’âme de l’homme, ce qui revient à dire que tous sont là pour son profit.

43. Dès sa naissance, l’homme possède le caractère de l’esprit (nephesh) de Sainteté, ou plus exactement de l’arrière de cet esprit, ce qui signifie « ce qui le suit », « ce qui lui est postérieur » et qu’on appelle « point », vu sa petitesse.

Ce point, revêtu du cœur de l’homme, révèle sa racine à travers son désir de recevoir.

Or, vous devez savoir que tout ce qui concerne le principe général de la réalité, concerne aussi chaque monde, et même la plus petite partie qu’il soit possible de détailler dans ce monde. De la sorte, les 5 mondes du principe, les 5 séphirot (Kether, Hocmah, Binah, Tipheret et Malcout) se retrouvent en chaque monde, et même en chaque partie de ce monde. Et comme nous avons dit que ce monde était réparti en minéral, végétal, animal et discours, ces quatre stades sont donc en correspondance avec les 4 séphirot : Hocmah, Binah, Tipheret et Malcout :

Minéral correspond à  Malcout
Végétal correspond à Tipheret
Animal correspond à Binah
Discours correspond à Hocmah.

Quant à leur origine à tous, elle correspond à Kether.

Il va de soi, dès lors, que si n’importe quel individu de n’importe quel règne possède en lui les quatre aspects (minéral, végétal, animal, discours), a fortiori un seul individu de l’espèce discours, c’est-à-dire un seul homme, possède en lui également ces quatre stades de son désir de recevoir. Mais c’est à l’intérieur de ces quatre que se loge le point de l’esprit de Sainteté. Il s’en est revêtu.

44. Avant 13 ans, on ne peut imaginer aucun accès au point du cœur de l’homme. Mais passé ce délai, lorsqu’il commence à vaquer à la Torah et aux commandements, même sans application (c’est-à-dire sans affinité), même sans le respect qui convient lorsqu’on aborde un roi, et même sans gratuité, le point du cœur se met à se développer et à montrer son action. Car les commandements n’exigent pas nécessairement une résolution ; et même sans intention, les œuvres ont d’elles-mêmes la propriété de purifier son désir de recevoir[8]. Mais cela n’agit qu’au niveau du premier degré, appelé minéral. Dans la mesure où il purifie la partie minérale du désir de recevoir, il édifie progressivement les 613 membres (clauses) du point du cœur qui est le minéral de l’esprit de Sainteté. Car il y a 613 commandements, et en les accomplissant, il parachève les 613 membres du point du cœur et donc du minéral de l’esprit de Sainteté. En effet, l’exécution des 248 commandements positifs sert de base à l’édification des 248 membres spirituels ; et les 365 commandements négatifs construisent les 365 nerfs spirituels[9].

Ainsi est construite la figure accomplie de l’esprit (nephesh) de sainteté ; c’est alors que l’esprit monte revêtir la séphirah Malcout (du monde spirituel de la Assiah). Dès lors, tous les individus spirituels de type minéral, végétal ou animal de ce monde-là et correspondant à cette séphirah Malcout de la Assiah viennent en aide à cette figure du nephesh (esprit) de l’homme qui y accède, au fur et à mesure que l’esprit les assimile, car ces conceptions-là deviennent pour cette figure une nourriture spirituelle. Cette nourriture lui donne la force de s’accroître et de s’agrandir. Ainsi devient-elle capable d’attirer la lumière de la séphirah Malcout dans toute la perfection nécessaire et d’illuminer le corps de l’homme. C’est bien de cette lumière parfaite qui aide l’homme à augmenter sa tension et son effort dans la Torah et les commandements, et à recevoir les autres degrés.

Dès la naissance du corps de l’homme, avions-nous dit, le point de la lumière du nephesh (esprit) était né et s’était revêtu de ce corps. Le même processus a lieu maintenant : lorsque naît pour cet homme le nephesh de Sainteté, naît en même temps que lui et provenant de lui le point du degré supérieur, c’est-à-dire le côté « arrière » de la lumière du Rouah (souffle) de la Assiah ; il se cache à l’intérieur de cette figure du nephesh.

Et ce processus est chaque fois le même pour tous les degrés : dès que l’un naît, le côté « arrière » du degré immédiatement supérieur y vient. Telle est la correspondance entre le haut et le bas [10], et cela, jusqu’au degré le plus élevé. C’est donc par l’acquisition de ce point venant d’en haut que cette figure peut s’élever au degré supérieur. Il n’y a pas lieu de s’étendre sur ce sujet [11].

45. Cette lumière du nephesh, on l’appelle lumière du minéral de Sainteté du monde de la Assiah, puisque cette lumière, on l’a vu, correspond exactement à la purification de la partie minérale du désir de recevoir du corps de l’homme.

Il y a d’ailleurs un parallélisme total entre l’espèce minérale matérielle dont nous avons traité au chap. 35 et cette œuvre d’illumination des choses spirituelles dont nous parlons maintenant. Dans les deux cas, il n’y a aucun mouvement individuel mais uniquement une tendance générale au mouvement, englobant tous les individus sans distinction. Ainsi, la lumière de la figure du nephesh (du monde de la Assiah) a beau comporter 613 membres (articles) qui sont 613 manières différentes de recevoir la cabale d’abondance, ces diverses variétés n’en sont pas apparentes pour autant. Seule se remarque une lumière générale qui agit sur toutes ces variétés indistinctement. Aucun symptôme n’apparaît dans les espèces particulières.

46. À propos des séphirot, vous devez savoir qu’elles sont divines. Il n’y a donc en réalité entre elles aucune différence ni variation quant à leur contenu, depuis le principe (Kether, le monde de l’Adam primordial) jusqu’à la dernière (Malcout, le monde de la Assiah). Ce qui fait la différence, c’est le contenant, qui reçoit.

Quand on dit : « séphirot », on considère à la fois les lumières et les vases. La lumière contenue dans les vases est une « déité » parfaite, évidemment. Toutefois, dans chacun des mondes inférieurs (Beriah – Création, Ietsirah – Formation, et Assiah – Action), les vases que l’on appelle Kether, Hocmah, Binah, Tipheret et Malcout ne sont divins qu’en tant qu’enveloppes dissimulant la lumière de l’Ain Sof* se trouvant dans leur sein. Ces enveloppes donnent à cette lumière une mesure, une limite et une proportion ; cette limite est fonction du contenant, et chacune de ces enveloppes ne recevra que selon sa capacité de pureté. C’est ce qui fait que bien que la lumière elle-même soit une, nous, nous lui donnons des noms différents selon les sephirot qui la reçoivent : Esprit (Nephesh), Souffle (Rouah), Âme (Neshamah), Vie (Haïah), Unité (Iechidah).

Voyons comment la lumière se distribue selon la disposition des vases :

- Malcout, elle, est l’enveloppe la plus opaque. La lumière de l’Ain Sof* qu’elle recouvre, elle ne la laisse passer, pour ceux qui la reçoivent, que dans une minuscule proportion, imputée à la purification du minéral du corps de l’homme seul. Voilà pourquoi on l’appelle nephesh (Esprit)[12].

- Le vase de Tipheret est, lui, plus diaphane que celui de Malcout, et la lumière de l’Ain Sof* qu’il transmet correspond à la purification de la partie végétale du corps de l’homme. Cette lumière est plus agissante et porte le nom de lumière du Rouah (Souffle).

- Le vase de Binah est plus transparent que Tipheret. La lumière de l’Ain-Sof* qu’il laisse passer dépend de la purification de la partie animale du corps humain. On l’appelle lumière de la Neshamah (Âme).

- Quant au vas de Hocmah, il est plus limpide qu’eux tous. Sa lumière est fonction de la pureté de la partie discours du corps humain. Son nom est : lumière de la Haïah (Vie) car il n’y a pas de borne à son action, comme cela a été expliqué.

47. Reprenons notre propos. L’homme, vaquant à la Torah et aux commandements, même sans intention, acquiert la figure du nephesh. À ce moment il obtient aussi le point de l’étage suivant, de la lumière du Rouah. En s’efforçant alors de vaquer à la Torah et aux commandements avec l’état d’esprit qui convient, il purifie continuellement la partie végétale de son désir de recevoir. Ce faisant, il développe ce point du Rouah et l’édifie en forme de figure, comme dans le premier processus : par les 248 commandements positifs le point se dilate et se distribue en 248 membres spirituels ; par les 365 commandements négatifs, ce point se diffuse en 365 nerfs. Dès que les 613 membres sont achevés, le point est accompli et monte revêtir la sephirah Tipheret (toujours du monde de la Assiah spirituelle). De là, une lumière plus précieuse, appelée lumière du Rouah (souffle) transmise depuis l’Ain Sof* à Tipheret. Tout cela correspondant à la purification de la partie végétale du corps de l’homme. Toutes les espèces particulières (minérales, végétales et animales) du monde de la Assiah, se rapportant à l’étage de Tipheret, aident cette figure du Rouah de l’homme à recevoir les lumières de Tipheret en toute perfection. Le processus est donc en tous points identique à ce qui se passait pour le nephesh, et on appelle cette sephirah (Tipheret): végétal de Sainteté. Même parallélisme avec le végétal matériel où se produisent des mutations, des mouvements d’organisation, visibles en chaque individu : ici, la lumière du végétal spirituel a une force assez grande pour illuminer chaque membre en particulier, et chacun des 613 membres composant la figure du rouah manifeste alors son action spécifique.

Une fois cette figure du Rouah apparue, le processus recommence : le point du degré immédiatement supérieur (Neshamah – Âme) naît, caché en son centre.

48. L’homme vaque maintenant aux secrets de la Torah et aux sens des commandements. De la sorte il purifie la partie « animale » de son désir de recevoir. Même processus toujours : le point de la Neshamah – Âme se développe : 248 membres et 365 nerfs jusqu’à l’achèvement de la figure qui monte alors et revêt la sephirah Binah (du monde de la Assiah spirituelle), vase d’une pureté incomparable à celle des précédents (Tipheret et Malcout) puisqu’il laisse filtrer une plus grande lumière. Et cette lumière s’appelle « lumière de la Neshamah » tous les individus (de type minéral, végétal et animal) du monde de la Assiah, qui correspondent à l’étage de Binah, viennent aider cette figure de la Neshamah à recevoir complètement les lumières de Binah. Cette figure porte alors le nom de « animal de Sainteté » puisqu’elle correspond à la purification de la partie animale du corps humain. À l’instar de l’espèce animale grossière qui possède le mouvement libre individuel, les 613 membres de la figure sont eux-mêmes chacun une figure spécifique, illuminée chacune à sa manière.

Neshamah a donc une lumière supérieure à Rouah, tout comme l’espèce animale grossière est supérieure aux espèces minérale et végétale. Le point de l’étage suivant (Hocmah) est bien sûr, lui aussi, caché à l’intérieur de cette figure de la Neshamah. Le processus va donc continuer.

49. Une fois que les 613 membres de la figure de Neshamah se sont illuminés d’une lumière parfaite et transparente, une porte s’ouvre : celle qui permet de vaquer à tout commandement conformément au sens véritable qu’il contient. En effet, chaque membre de la figure illumine respectivement chaque commandement qui lui correspond.

C’est par la grande force de ces lumières que l’homme purifie continuellement la partie discours de son désir de recevoir et le transmue en désir de combler. Le point caché se développe donc, édifie ses 248 membres et ses 365 nerfs spirituels, et, sous forme de figure parfaite, il monte revêtir la sephirah Hocmah (toujours du monde de la Assiah). Ce vase est d’une pureté illimitée, laissant passer une lumière intensément puissante, provenant de l’Ain Sof*. On l’appelle « lumière de la Vie » ou bien « Âme de l’Âme ». Tous les individus du monde de la Assiah (de type minéral, végétal ou animal) qui correspondent à l’étage de Hocmah, aident à recevoir la lumière de Hocmah dans toute sa plénitude.

On appelle « discours de Sainteté » ce degré qui correspond à la purification de la partie discours du corps de l’homme. Comme le stade « discours » grossier, ce stade spirituel possède aussi le mouvement altruiste, extérieur à lui, et est donc supérieur aux stades précédents. Quant à l’aspect de la lumière de l’Ain Sof* qui se cache et se revêt de cette figure, il est appelé « lumière de l’Unité ».

50. Tout cela ne concernait que le monde de la Assiah (Action) ! Ces 5 stades de lumière (Esprit, Souffle, Âme, Vie, Unité), provenant du monde de la Assiah, n’étaient que des subdivisions de la lumière du Nephesh, du premier grand stade. Tout ce qui concerne la lumière du Rouah, deuxième grand stade, appartient au monde de la Ietsirah (formation). Il n’en a donc pas été question jusqu’ici.

Non ! Rappelez-vous ce qui a été dit plus haut : tout ce qui est dans le principe général se manifeste aussi dans toutes les parties jusque dans les plus petits détails. Voilà pourquoi ces 5 aspects se retrouvent également dans le monde de la Assiah, mais ce ne sont en réalité que les 5 aspects du premier grand stade nephesh. Il faut donc que le même processus se répète à chaque grand stade :

- pour le monde de la Ietsirah où ces 5 aspects concerneront le Rouah ;
- pour le monde de la Beriah où ils seront les 5 aspects de la Neshamah ;
- pour le monde de l’Atsilout où ils seront les 5 aspects de la Vie ;
- pour le monde de l’Adam Primordial où ils seront les 5 aspects de l’Unité.

Quant à la gradation, elle sera la même (entre ces mondes) que celle que nous avons exposée pour chacun des stades de la Assiah[13].

« Nous ne sommes pas « facile », disent les croyants de ce monde. Mais comment pourrions-nous l’être quand nous annonçons les mystères de la triple résurrection et ceux du jugement équitable ? » 

Le Message Retrouvé xxi, 61’



[1] Il s’agit d’un autre traité de R. Ashlag.
[2] ,mvd (domem) minéral, matière inanimée. Un autre mot,(vocalisé différemment) ,mvd (doumam), de même racine, signifie : silence, mutisme, inertie. Le premier stade est donc « muet » ; le dernier sera  « discours ». L’initié, lui aussi, ne doit-il pas passer du mutisme à l’éloquence ?
[3] Cfr. Louis Cattiaux, Le Message Retrouvé, éd. Les Amis de Louis Cattiaux, Paris 1991. xxiii, 14 : « Celui qui ne sait pas pleurer sur le malheur des autres comme sur le sien, celui qui ne sait pas se réjouir du bonheur des autres comme du sien, et celui qui ne sait pas rire de ses mésaventures comme il rit de celle des autres, ne peut être enseigné par Dieu, car il est encore séparé de l’unité de l’Unique. »
[4] Voir article « Le Désir de Cabale III », page 8.
[5] Rabbi Ashlag ne donne pas la référence de cette citation.
[6] Sur ces 5 degrés de lumière dont nous avons déjà parlé, cfr. « Le Désir de Cabale, III » p. 3, où ils étaient cités dans l’ordre inverse.
[7] Petite couronne sur la lettre YOD. Au sens figuré, on emploie cette expression pour signifier une chose très minime, très fine, une chose insignifiante. Le premier sens du mot est : épine, ivraie, buisson, pointe, dard. Sur cette cinquième chose secrète, cfr. op., cit., Louis Cattiaux, Le Message Retrouvé, xxxi, 45 et ii, 72’.
[8] Rappelons que l’auteur est juif et parle en Juif. Probablement mesure-t-il tout ce qu’il doit personnellement à la pratique de sa religion. Autrefois, un Chrétien aurait pu s’exprimer de la même manière. Le Catéchisme, qui ne faisait pas nécessairement la joie des écoliers, avait peut-être le mérite d’éveiller, çà-et-là, parfois à son insu, une jeune âme d’élite. Reconnaissons toutefois que, le plus souvent, l’effet diamétralement opposé était obtenu, par on ne sait quel démon de l’ennui, qui se communiquait par osmose du maître au disciple. Rassurons-nous : de nos jours, l’athéisme ecclésiastique a résolu le problème : plus d’Écriture Sainte, plus de Catéchisme, plus de commandements ; plus que des baudets, quoi ! Pourtant, l’appétit vient en mangeant, et il y a un commencement à tout. Cfr. Louis Cattiaux, Le Message Retrouvé, xv, 69.
[9] En Hébreu, le mot arbsignifie à la fois membre, organe,  aile et clause ou article. De là le rapprochement entre les articles des commandements et les membres du corps spirituels. Quant au mot gyd, il signifie  nerf, filament, artère.
Il y a donc 248 membres (commandements positifs) et 365 nerfs (commandements négatifs). Ces derniers sont également mis en rapport avec les 365 jours de l’année.
Ajoutons que la somme de tous ces commandements refait l’unité, puisque :
248 = 2 + 4 + 8 = 14 = 5
365 = 3 + 6 + 5 = 14 = 5
Total : 10
[10] Cfr. La Table d’Émeraude d’Hermès : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas… »
[11] Cfr. Le Message Retrouvé, xxv, 56’ : « Nul ne peut accéder à un échelon supérieur s’il ne le voit ou s’il ne le sent assez nettement pour oser abandonner l’échelon inférieur, sans risquer de se trouver dans le vide et de retomber dans la mort […] ».
[12] wpn(nephesh) possède de multiples acceptations en hébreux, que le mot « esprit » ne rend pas. Peut-être la meilleure traduction serait-elle : « parfum, haleine, exhalaison ».
[13] Ce dernier paragraphe n’est pas à proprement parler une traduction. L’idée de l’auteur nous paraissant claire, nous nous sommes permis de la reprendre avec nos propres termes sans suivre le texte mot à mot.

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