|
Le désir de Cabale
Rabbi Ashlag
Traduction de Stéphane Feye
« Que philosopher c’est d’apprendre à mourir » Montaigne Nous avions laissé Rabbi Ashlag au milieu d’un exposé ardu mais passionnant … Pour cesser d’alourdir le texte par des parenthèses, nous donnons ici, pour les Hébraïsants, quelques mots-clés de notre traduction. Nous avons en effet rendu : lbql ]vjr (ratson leqabbél) par : désir de recevoir, ou désir de cabale.
iyp>hl ]vjr (ratson lehachephiah) par : désir de combler ou désir d’infuser (de verser, d’incliner).
hm>n (neshamah) par : âme
[vg (gouf) par : corps
>pn(nephesh) par : esprit
tvjm(misvot) par : commandements.
La suite de notre texte commence à l’endroit précis (le hasard fait bien les choses !) où l’auteur résume lui-même ses propos antérieurs, avant de passer à de nouveaux développements. Laissons-lui donc directement la parole. * Préface à l’édition du Zohar (suite) 14. D’une manière générale, les âmes ont donc trois états. Résumons-les brièvement : - premier état : leur situation au sein de l’Ain Sof *, dans le projet de la création, où elles possèdent déjà la forme qu’elles auront lors de la restauration finale. - deuxième état : leur situation pendant les deux mille ans où elles sont réparties en corps et esprit dans les deux rangs dont nous avons parlé (l’impureté et la sainteté). C’est alors que leur est confié le labeur de la Torah et des commandements. Ce labeur, rappelons-le, consiste à convertir leur désir de recevoir en désir de combler. Combler qui ? – Certainement pas elles-mêmes, mais bien leur créateur (littér. : leur potier), en lui procurant le contentement d’esprit. En effet, pendant toute la durée de cet état, il n’y a de restauration que pour les esprits et non pour les corps ; je veux dire qu’ils doivent consumer de leurs entrailles tout aspect de la réception (cabale) pour eux-mêmes (ce qui est le propre du corps) pour ne garder que l’aspect désir de combler (ce qui est le type de désir propre à l’esprit). L’esprit des justes eux-mêmes ne pourra d’ailleurs se réjouir dans le jardin d’Éden après leur mort qu’après la totale consomption de leur corps et sa réduction en poussière ! - troisième état : leur restauration absolue, après la résurrection des morts. Dans ce dernier état, la restauration totale concerne aussi les corps. En effet, à ce moment, ils auront transformé la réception (cabale) elle-même (qui est le type propre au corps), et c’est dans ce type, cette forme, que l’autre type (celui de l’abondance pure) fera sa demeure. Les corps auront donc été rendus aptes à recevoir pour eux-mêmes tout le bien, toute la jouissance et les délices prévus par le projet de la création. Grâce à tout cela, ils mériteront une fixation définitive, en identifiant leur forme à leur créateur. Mais s’ils reçoivent cela, ce n’est pas de leur désir de recevoir, mais bien de par leur désir de combler leur créateur en lui procurant le contentement d’esprit. Et justement, son plaisir à Lui*, c’est qu’ils reçoivent de Lui*. Voilà donc ces trois états des âmes. Dorénavant, pour abréger, j’utiliserai les expressions : état 1, état 2, état 3 sans m’étendre davantage. Pour chacun de ces états, vous n’aurez qu’à vous rappeler ce que je viens d’en dire ici. 15. Méditez sur ces trois états : vous verrez qu’ils se conditionnent totalement et parfaitement l’un l’autre. Ils se soutiennent tellement bien que si, par impossible, on supprimait quoi que ce soit à l’un des trois, tous disparaîtraient ! Imaginons par exemple que l’état 3 (la forme réception transformée en forme don) ne se manifeste pas. Immédiatement, l’état 1 (dans l’Ain-Sof*) ne pourrait être [1]. Pourquoi ? – parce que dans l’éternité, le futur a déjà servi comme s’il était un présent. Ce futur étant supprimé, le présent n’aurait plus aucune réalité. À plus forte raison, si on supprimait l’état 2 (dans lequel se trouve tout ce qui va réaliser l’état 3 : la corruption et la restauration), comment l’état 3 pourrait-il se produire ? L’état 1, lui non plus, ne peut être supprimé puisqu’il est la condition des deux autres. Il exige forcément que se déploient l’un en face de l’autre les deux rangs de l’état 2 afin de rendre possible la réalité du corps au moyen du désir de recevoir corrompu par le rang d’impureté, et qu’il nous soit alors possible de le redresser. Car sans le rang des mondes d’impureté, nous n’aurions pas ce désir de recevoir, et il serait impossible de le redresser pour aller dans l’état 3, car personne ne peut redresser ce qu’il n’a pas. On ne doit donc pas se demander comment le rang de l’impureté a bien pu rendre son être à partir de l’état 1, puisque c’est l’état 1, au contraire, qui conditionne son existence et sa durée dans l’état 2 ! 16. Bien sûr on pourrait (à Dieu ne plaise !) s’obstiner et dire : « alors, nous n’avons plus aucun libre arbitre, puisque nous sommes de toutes façons contraints de réaliser et de recevoir l’état 3, par le simple fait qu’il se trouvait déjà dans l’état 1 ! » Mais l’affaire est plus subtile que cela ! En réalité, le Nom* (Dieu) nous a préparé deux voies différentes pour nous amener à cet état 3 : La première est celle dont nous avons parlé : il s’agit de la constance dans le Torah et les commandements. La deuxième est celle des châtiments : en effet, les châtiments, d’eux-mêmes, purifient et broient le corps. Ils nous obligent donc finalement à transformer notre désir de recevoir, à accepter le type désir de combler et à nous attacher enfin à Lui*. Dans Sanhédrin 97, 72, nos sages* en ont parlé : « Si vous retournez vers le bien, c’est bien ; sinon, c’est moi qui établirai sur vous un roi comme Haman [2], qui, contre votre gré, vous ramènera de force vers le bien. » Du reste, ce verset d’Isaïe (60, 22) : « En son temps, je hâterai cela », voici comment nos sages* l’interprètent : s’ils le méritent, je hâterai cela ; dans le cas contraire, ce sera en son temps ! Expliquons-nous : si nous sommes méritants, grâce à la première voie (la constance dans la Torah et les commandements), c’est nous-mêmes qui hâtons notre redressement, et nous n’avons nul besoin de châtiments durs et amers, ni surtout de la longueur du temps qui sera nécessaire pour les recevoir et pour nous faire retourner vers le bien contre notre gré [3]. Dans le cas contraire, ce sera en son temps, c’est-à-dire lorsque sera venu le temps où les châtiments, ayant eu raison de nous malgré nous, auront enfin accompli notre redressement. Notons que dans cette voie des châtiments, les punisseurs des âmes se trouvent, eux aussi, dans la géhenne ! En bref, que ce soit par l’une ou l’autre voie, la restauration (l’état 3) est inéluctable, car décidée dès l’état 1. Mais il nous reste un libre arbitre, un seul : choisir la voie des châtiments ou celle de la Torah et des commandements ; tout cela est clair maintenant, et on voit bien comment ces trois états des âmes sont liés ensemble et comment ils se conditionnent mutuellement de manière absolue. 17. Ces éclaircissements résolvent facilement la troisième difficulté que nous avions soulevée au tout début ; nous avions dit qu’en méditant sur nous-mêmes, une seule conclusion s’imposait : il n’y a rien de plus vil et de plus méprisable que nous. Tandis qu’en méditant sur l’ouvrier qui nous a faits, on ne trouvait pas de terme assez élogieux pour l’exprimer. Nous avions souligné le paradoxe en disant : « par nature, un ouvrier parfait devrait produire des œuvres parfaites ! » Or, ce paradoxe disparaît maintenant, puisque notre exposé démontre suffisamment que le corps que nous avons, avec tous ses accidents [4] et ses acquisitions insignifiantes n’est absolument pas notre corps véritable ! Notre corps authentique, celui qui est éternel et plein de toutes sortes de perfections, existe déjà en réalité dans l’Ain-Sof* de par l’état 1 qui reçoit cette forme accomplie du futur, de l’état 3. Cette forme lui provient de par le caractère « combler », par l’identification à l’Ain-Sof*. Pas question donc de nous indigner et de nous irriter si notre état 1 lui-même exige que nous soit donné dans l’état 2 l’écorce de notre corps dans cette forme méprisable et corrompue qu’est le désir de recevoir rien que pour soi-même qui, comme nous l’avions dit, est l’agent de séparation d’avec l’Ain-Sof. Pourquoi rechigner si nous avons à le rectifier pour être à même de recevoir ce corps éternel qui est le nôtre, ce corps parfait de l’état 3 [5] ? Nous n’avons pas à nous rebeller, puisque notre fonction ne se limite pas uniquement à ce corps-ci qui est éphémère et périssable. Tant et si bien que nous sommes, même dès notre état 2, dans la mesure de perfection qui convient à l’ouvrier parfait qui nous a produits ; et ce corps-ci ne nous abîme et ne nous diminue en rien, puisqu’il est, de toute évidence, destiné à mourir, à être anéanti, et qu’il ne nous est utile que pendant une portion de temps, juste celle qui est indispensable à ce qu’il disparaisse et à ce que nous recevions notre forme éternelle. 18. Le résultat de cela, c’est que voilà résolu notre problème n° 5 : « Comment se peut-il, avions-nous dit dans la première partie, que de l’Éternel proviennent des créatures privées d’éternité, malheureuses et périssables ? » Il est clair maintenant qu’en réalité nous sommes déjà devant Lui* comme il convient à son Éternité, c’est-à-dire des créatures éternelles et entièrement parfaites. Et c’est précisément notre éternité qui oblige cette écorce du corps (qui ne nous a été donnée que pour le service) à être éphémère et périssable. Car si elle subsistait dans l’éternité (à Dieu ne plaise !) nous resterions éternellement (à Dieu ne plaise !) séparés de la substance de la vie ! Nous avions d’ailleurs déjà dit au paragraphe 13 que cette forme de notre corps qu’est le désir de recevoir rien que pour soi-même n’était pas comprise dans le projet éternel de la création où nous existons dans notre forme « état 3 ». Cependant, avions-nous ajouté, elle nous est obligatoire dans l’état 2, afin que nous puissions la rectifier. Quant à l’état des autres créatures du monde, nous n’avons absolument pas à nous questionner à leur sujet. Seul l’homme, résumant toute la création, mérite notre attention. Nous en parlerons plus loin au chapitre 39. Le reste des créatures, en effet, ne compte pas ; elles n’ont de valeur que dans la mesure où elles sont utiles à l’homme pour le mener à la perfection ; c’est pourquoi elles montent et descendent avec lui, sans avoir aucune importance par elles-mêmes [6]. 19. Rappelons-nous maintenant notre problème n° 4 : « puisque le propre du Bien est de bien faire, comment a-t-Il* créé dès le début des créatures destinées à se tourmenter et à se punir elles-mêmes tous les jours de leur vie ? » Ce problème est lui aussi résolu, puisque nous avons montré que tous ces châtiments ont été rendus inévitables de par notre état 1, puisque notre éternité y est parfaite. Cette perfection qui provient de l’état 3 futur nous oblige à atteindre, soit par la voie de la Torah, soit par la voie des châtiments, notre état éternel n° 3 (voir chapitre 15). Tous ces châtiments, bien sûr, n’exercent leur pouvoir que sur notre enveloppe de ce corps-ci, qui n’a été créée que pour la mort et la tombe. Cela nous enseigne que le désir de recevoir pour soi-même qui est en lui n’a été créé que pour le faire disparaître du monde et pour le transformer en désir de combler. Les châtiments que nous subissons ne sont donc, à proprement parler, que des mises à nu qui font apparaître la nullité et la corruption qui pèsent sur ce corps. Remarquez bien ceci : si tous les gens consentaient en même temps à anéantir et à consumer le désir de recevoir pour eux-mêmes qui est en eux, et qu’ils n’avaient plus aucun autre désir que celui de combler leurs proches, à l’instant même, toutes les inquiétudes et tous les démons seraient anéantis de la terre ; chacun serait en confiance et en sécurité dans une vie confortable [7] et parfaite. Chacun de nous aurait tout un monde qui s’inquiéterait pour lui et qui comblerait ses besoins ! Inversement, cela va de soi, dès le moment où chacun n’a que le désir de recevoir pour soi-même, aussitôt se ruent sur nous toutes les tortures des châtiments : les guerres, les massacres dont rien ni personne ne nous délivre. Ces tortures sont là pour affaiblir nos corps par toutes sortes de maladies et de souffrances. Vous devez donc en déduire que tous ces châtiments inhérents à notre monde ne sont que des mises à nu placées devant nos yeux pour nous inciter à anéantir la mauvaise enveloppe du corps et à recevoir la forme parfaite du désir de combler. C’est bien ce que nous avons affirmé : la voie des châtiments est, en elle-même, propre à nous faire parvenir à la forme voulue. Sachez d’ailleurs que les commandements concernant l’homme et son prochain sont des préambules aux commandements qui concernent l’homme et le Makom (Dieu) : l’inclination envers son prochain le conduit à l’inclination envers le Makom (Dieu) [8]. 20. Tout cela élucide notre fameuse question 1 : « Quelle est notre essence ? » – elle est celle de tous les individus qui existent. C’est un désir de recevoir, rien de plus, rien de moins (cf. paragraphe 7), mais non dans sa forme actuelle de l’état 2, qui est désir de recevoir uniquement pour soi-même ; non ! notre essence, c’est le désir dans sa forme éternelle (l’état 1, dans l’Ain-Sof*), qui consiste à ne recevoir que pour infuser le contentement d’esprit à son créateur (paragraphe 13). et si nous n’avons pas encore atteint l’acte (l’état 3) et que notre temps n’est pas arrivé, cela n’abîme aucunement la racine de notre essence, puisque finalement, notre état 3 est complètement conditionné par l’état 1 ! Prenons un exemple : quelqu’un doit encaisser une somme d’un produit demaï [9], mais l’échéance n’est pas encore là. Est-ce assez pour estimer qu’il y a perte ? Évidemment non ! il y a juste un doute sur un point : parviendra-t-il, lors de l’échéance, à faire payer son débiteur ? Il y a donc doute et non perte. Or, dans notre cas, il n’y a aucun doute sur ce point. Dès lors, c’est comme si nous étions déjà à l’échéance, dans l’état 3. Ce corps qui nous a été donné actuellement a beau être déficient, il ne cause lui non plus aucune perte à notre essence, vu que toutes ses acquisitions, et lui-même, sont destinés à disparaître en même temps que tous les rangs d’impureté qu’il enveloppe. Or, pour reprendre notre comparaison, lorsqu’on supprime le demaï, on supprime en même temps toutes les clauses qu’il impliquait et on les considère même comme n’ayant jamais existé auparavant. Quant à l’esprit qui s’est revêtu de ce corps, son essence se révèle être, elle aussi, purement et simplement un désir, mais un désir de combler (qui nous vient des quatre rangées de mondes – émanation, création, formation et action – de sainteté ; cf. chapitre 11). Il est incontestable que cet esprit subsiste pour l’éternité, car ce type de désir, le désir de combler, a une forme identique à la substance de la vie et il n’est donc absolument pas mortel, à Dieu ne plaise ! Plus loin (chap. 32 et suiv.), cette question sera traitée en long et en large. 21. À propos de cet esprit, que votre cœur ne dévie pas ! N’allez surtout pas suivre l’opinion des philosophes qui racontent qu’au fond, son essence est une matière intelligente qui ne tire son être que des concepts qu’elle pense et dont elle s’accroît. Pour ces philosophes, toute son essence se réduit à ces concepts, et donc, ce qui reste de l’esprit après la mort du corps, dépend entièrement de la quantité d’intelligence et des concepts qu’il a acquis. De la sorte, si la faculté de raisonner lui manque, ce qui reste de cet esprit n’a aucun principe auquel se raccrocher. Tel n’est pas le sentiment de la Torah, et encore moins celui de la Tradition intérieure ! D’ailleurs, tout être qui tente une fois d’acquérir de l’intelligence sait et sent bien que l’intelligence est une acquisition et non le propriétaire lui-même ! Nous le répétons : toute la matière de la création innovée, qu’il s’agisse de choses spirituelles, ou de choses matérielles, toute cette matière, si on l’examine, n’est rien de plus et rien de moins qu’un désir de recevoir (pourtant nous avons dit, il est vrai, que l’esprit était entièrement un désir de combler. C’est exact, mais il ne l’est que grâce aux restitutions du vêtement de lumière réfléchie que cet esprit reçoit des mondes supérieurs. C’est de là que cette lumière vient vers nous. Cette question, nous la traitons à fond plus loin dans « l’introduction à la sagesse de la cabale » aux paragraphes 14, 15, 16 et 19 à laquelle nous envoyons le lecteur. Quoi qu’il en soit, le fond de l’essence de l’esprit est, lui aussi, un désir de recevoir). C’est pourquoi le seul test possible qui soit mis à notre disposition pour distinguer une essence de l’autre, est d’examiner le désir, et le désir uniquement, car en toute essence il y a un désir. C’est ce désir qui lui engendre des besoins ; et ces besoins lui engendrent des intentions et des méditations tendant à assouvir ces besoins que le désir de recevoir a provoqués. Et de même que les désirs humains varient d’un homme à l’autre, de même leurs besoins, leurs intentions et leurs méditations les différencient. Prenons par exemple ceux dont le désir de recevoir se borne à la concupiscence bestiale ; il va de soi que leurs besoins, leurs pensées et leurs méditations ne tendent qu’à combler cette envie dans toute sa plénitude bestiale ; ils possèdent bien l’intelligence et la raison comme un humain, mais n’oublions pas qu’il suffit à un esclave d’être comme son maître ; c’est donc comme une intelligence animale, puisque l’intelligence est assujettie et subvient aux besoins d’un désir bestial. D’autres, par contre, on un désir de recevoir qui dès la racine se porte vers des désirs humains qui n’ont pas cet aspect bestial, comme la gloire ou la domination des autres. Il est certain que toute la racine de leurs besoins, intentions et méditations ne tend qu’à satisfaire et combler ce désir dans toute la plénitude possible. Enfin, il y a ceux dont le désir de recevoir s’efforce dès la racine à acquérir des notions. Dès la base, leurs besoins, leurs intentions et leurs pensées ne tendent qu’à combler totalement ce désir. 22. Selon beaucoup, ce sont ces trois sortes de désirs que l’on retrouve dans toutes les catégories d’êtres humains. Toutefois, ils sont mélangés en chacun dans des proportions variées. De là toutes les différences qui existent entre un homme et un autre. Ces mesures sont, bien sûr, matérielles. À partir d’elles, on peut faire une transposition dans les choses spirituelles selon leur rang. 23. Il en va donc de même pour les esprits des hommes. Ils sont spirituels et grâce aux vêtements de lumière réfléchie qu’ils reçoivent des mondes supérieurs (desquels ils proviennent), ils n’ont plus que le désir d’infuser le contentement d’esprit à leur créateur ; en effet, nous l’avons dit, ce désir est l’essence fondamentale de l’esprit, et dès que cet esprit s’est revêtu du corps de l’homme, il y engendre des besoins, des intentions et des méditations tendant à accomplir dans toute sa plénitude son désir de combler, c’est-à-dire de verser le contentement d’esprit à son créateur ; et cela, proportionnellement à la grandeur de ce désir. 24. En résumé, l’essence du corps n’est fondamentalement qu’un désir de recevoir pour soi-même. Tous ses accidents et acquisitions ne sont que des remplissages de ce désir corrompu, qui dès le début, n’a été créé que pour le détruire et le faire disparaître du monde en vue de l’état 3 (le redressement total). Ce corps est donc mortel, éphémère, périssable, de même que ses acquisitions avec lui. Tout cela ressemble à une ombre qui passe, en ne laissant rien après elle. L’essence de l’esprit, par contre, n’est fondamentalement qu’un désir de combler. Tous ses accidents et acquisitions ne sont que des remplissages de ce désir qui existe déjà éternellement dans l’état 1. Il en sera donc de même dans l’état 3 au temps à venir. Voilà pourquoi cet esprit n’est pas du tout sujet à la mort et au changement. Oui ! lui et toutes ses acquisitions sont éternels et vivants ; ils existent à perpétuité. Le non-être même ne lui cause absolument aucun tort au moment de la mort du corps. Bien au contraire, le néant de la forme « corps » étant corrompu, le renforce davantage. Il est alors capable de monter vers les cieux, au jardin d’Éden. Ce qui reste de l’esprit ne dépend donc absolument pas des concepts qu’il a acquis, contrairement aux dires des philosophes dont nous parlions. Cela est bien évident maintenant. Son éternité, il ne la trouve que dans le fondement de son essence, c’est-à-dire dans le désir de combler. C’est cela son essence. Quant aux notions qu’il a acquises, elles sont sa récompense, non sa substance ! *
* Rappelons que l’astérisque remplace l’une des 2 formules pieuses qui reviennent constamment dans le texte original : « Qu’Il soit béni, qu’Il soit exalté » pour le Créateur et : « Que leur mémoire soit en bénédiction », pour les Maîtres de la Tradition.
[1] À partir d’ici, nous abrégeons énormément ce paragraphe.
[2] Haman : Amalécite, ministre du roi Assuérus pendant la captivité de Babylone ; il fit donner l’ordre d’exterminer les Juifs. Grâce à Esther, l’ordre fut révoqué et Haman fut pendu.
[3] « Appliquer uniquement notre volonté à trouver Dieu en nous-mêmes, c’est abréger au maximum le temps de notre exil », disait Louis Cattiaux, Le Message Retrouvé, iii, 59. Cfr. aussi v, 41’ : « Dieu aimante ses fils jusqu’à les délivrer de l’exil avant le temps marqué. »
On voit à quel point ceux qui vaquent à la Torah et aux misvot (commandements) ont raison de le faire et de persévérer dans cette voie !
[4]המקרsignifie accident, mais aussi sort, destin, hasard – nous pourrions gloser avec les astrologues : notre corps soumis aux astres, aux hasards absurdes du destin, avec ses aspects dits « bons » ou « mauvais », ses trigones et ses carrés !
[5] Cf. Louis Cattiaux, Le Message Retrouvé, éd. Les Amis de Louis Cattiaux, Bruxelles 1991. xxv, 49 : « La chute de l’homme a un but divinement élevé, qui est l’acquisition d’un corps bas et sa glorification en Dieu. »
[6] Op., cit., Le Message Retrouvé, xiii, 45 : « Toutes les choses créées servent de véhicules pour remonter à la source ou pour s’en éloigner. Abandonnons-les de bonne grâce à chaque étape du voyage divin. »
[7] אירב :littéralement : gras, corpulent, plain de santé, sûr. Curieusement, le mot beriah qui lui est apparenté signifie à la fois : création et santé.
[8] Le Makom signifie le lieu. C’est un des noms de Dieu. On voit que l’amour de Dieu et du prochain est, pour les Juifs aussi, le résumé de tous les commandements. Il ne s’agit pas d’un monopole exclusif des disciples de Jésus ! L’« amour » du prochain ou de Dieu est qualifié ici de « débordement ». C’est toujours la racine עפש (incliner, combler, verser, inonder, abonder à profusion).
Il n’y a donc rien là d’une obligation morale que l’on accomplit à contre-cœur ou hypocritement. Cfr. Le Message Retrouvé, xix, 24’ : « Celui qui connaît le mystère de Dieu aime naturellement son prochain sans hésitation et sans effort. » Cet acte naturel d’amour est actuellement singé dans le monde par le moralisme social des « droits de l’homme ». Seuls les mal-aimés et les mal-aimants s’y laissent prendre !
[9] Demaï : terme juridique : est déclaré demaï tout produit dont le prélèvement de la dîme est douteux. Le créancier doit donc attendre la suppression de ce « demaï » pour pouvoir encaisser son revenu.
|