Écrit par : Paracelse -
P. Deghaye (trad.)
Titre : La Grande Astronomie
Date de parution : 2000
Éditeur : Dervy
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Paracelse, La grande astronomie ou la philosophie des vrais sages, philosophia sagax, clé de tous les mystères du grand et du petit monde, Paris, Dervy, 2000. Les œuvres spécifiquement médicales de Paracelse sont connues. La Grande Astronomie dite Philosophia sagax l'est moins. Avant la présente édition, seul le prologue avait été traduit en français. Écrite dans les dernières années de sa vie, elle est le seul ouvrage qui donne une vue d'ensemble de la doctrine. Le médecin-philosophe relie la médecine à une science universelle qu'il appelle l'astronomie et qui comprend, outre l'astrologie, l'alchimie, la magie, les arts divinatoires, etc. Il classe ces disciplines. Le médecin-philosophe se fait théologien et, tout en s'appuyant sur l'Écriture, il assimile la révélation à ce savoir qui n'atteindra sa pleine mesure qu'à la consommation du temps. À différents niveaux, Dieu se révèle dans la nature, mais c'est en l'homme que la nature s'accomplit. C'est pourquoi l'homme est la fin de toutes les hommes divines. Médecin apôtre et prophète du dernier âge, Paracelse est une figure emblématique de son temps. Il a influencé Jacob Boehme. [Prologue de Pierre Deghaye] Connaître les choses, c’est en appréhender la réalité première. C’est savoir comment elles sont nées. Il faut donc aller à rebours pour rendre visible cette réalité cachée. C’est ainsi que le médecin alchimiste produit la véritable image du corps qu’il veut guérir, du moins de sa partie malade. D’autre part, il fait apparaître l’anatomie de la plante qui sera le remède. Il saura quelles sont ses vertus cachées et comment elles peuvent nourrir le malade pour compenser son dépérissement. Tant en l’homme que dans le monde qui l’entoure, l’alchimiste rend visible une réalité cachée. La nature aspire à se révéler. Or, elle ne peut le faire complètement. Elle attend l’intervention de l’homme. Elle est comme le trésor qui, selon une vieille croyance, se soulevait sous terre pour paraître au jour, mais il fallait la main de l’homme pour le saisir. L’alchimiste est cet homme. Il est le chercheur de trésors. Il rend visible qui était invisible. (p. 28) [Prologue – P. Deghaye] Or, savoir, c’est connaître le bien et le mal, non pas parce qu’on est fasciné par le mal, mais parce que, du point de vue de Dieu, le mal sert à manifester le bien. C’est pourquoi Dieu a mis en toute chose le bien et le mal, le remède et le poison. Connaître la nature, c’est discerner le bien et le mal. (p. 33) [Prologue – P. Deghaye] Créer, c’est faire passer dans le visible ce qui n’existait que dans l’invisible d’une pensée. La finalité de la science universelle est que devienne visible ce qui était invisible. C’est par la magie, dit Paracelse, que l’invisible devient visible. Ainsi, dans tout le cours de la création qui va de Dieu à l’homme en passant par la nature, tout s’accomplit magiquement. (p. 50). [Prologue – P. Deghaye] La mathématique sépare. Le ciel d’en-haut, celui des élus, doit être distingué du ciel d’en bas, celui de l’Esprit sidéral, sinon nous ne connaîtrions ni l’un ni l’autre. De même, il faut discerner la nature supérieure, qui est le domaine de l’astral, de la nature inférieure, qui est le monde des quatre éléments. Dans la vie de la nature, les deux mondes sont unis comme l’âme et le corps. Pour connaître l’un et l’autre, il faut les séparer. La science du firmament, scientia adepta, sépare les deux natures. Elle isole la réalité astrale en la purifiant de la matière qui l’obscurcit. Elle la rend limpide pour en offrir une vision parfaite. Elle rend visible ce qui était invisible. (p. 62) [Prologue – P. Deghaye] La nature sidérale est à l’éternité ce que le corps est à l’âme. Le corps et l’âme sont unis, ici-bas ils ne sauraient être dissociés. C’est grâce à cette union que naît l’homme nouveau engendré par le Christ. De même, la raison que nous donne la nature, et l’esprit qui nous vient de l’éternité, règnent ensemble dans une même personne. Toutefois, comme chez les païens, notre raison remplit son office en dehors de cette union. Mais, inversement, l’esprit reçu de l’Esprit Saint ne saurait se passer d’elle. En effet, c’est dans le miroir de la nature que se révèle l’éternité. Lorsque l’homme vit en Dieu, l’accord entre les deux est parfait. Néanmoins je vous invite à chercher la sagesse du Fils avant la sagesse de la nature, car vous devez penser à la vie future. Dieu le Père s’étant repenti d’avoir fait l’homme, il faut que le Fils le crée à nouveau. (p. 98) Avant de créer l’homme, Dieu avait appelé toutes choses à l’existence en donnant à chacune sa qualité propre. Puis il jugea bon de créer l’homme pour qu’il en usât. L’homme devait appliquer son esprit à les découvrir et à tirer parti de leurs vertus, afin d’achever les œuvres conçues dans la lumière de l’Esprit sidéral. L’homme fut créé afin que plus rien ne restât caché. Il était appelé à révéler tous les mystères de la création dont l’Esprit sidéral était le dépositaire. En révélant pleinement la création, il devait l’accomplir. (p. 102-103). Cependant, pour obéir à la Loi divine, l’homme doit satisfaire à tout ce que sa double condition d’image de Dieu et d’image du macrocosme exige de lui. Il doit vivre dans deux séjours : dans la nature et en conformité avec elle, au-dessus de la nature et en union avec la volonté divine, avec l’Esprit de Dieu. Toutefois il ne doit jamais préférer sa nature mortelle et les artifices de la raison à l’éternité de l’image de Dieu. Il ne doit pas rejeter l’image de Dieu par attachement à sa nature animale. Il ne doit pas mettre sa raison à la place de la sagesse divine. Le sage qui domine les astres, est l’homme qui vit selon l’image de Dieu et non pas dans la sujétion du monde. C’est dans la fidélité à l’image de Dieu que le sage l’emporte sur le ciel de notre univers. (p. 108-109) Le Christ a dit : « Cherchez, et vous trouverez. » Cela veut dire que tout homme est assuré de trouver la science ou l’art qu’il est appelé à posséder. Il nous est ordonné de chercher, sinon, jamais aucun mystère ne nous sera dévoilé. Attendrons-nous que les alouettes nous tombent toutes rôties ? La vigne court-elle après le vigneron ? N’est-ce pas lui qui va jusqu’à elle ? […] L’homme doit chercher. Mais la force qui le fera chercher émane des choses cachées. La manière de chercher lui viendra des mystères qu’il veut pénétrer. L’art est dans les choses et il faut que la lumière soit d’abord en lui avant de se communiquer à la personne qui cherche. Pour chercher la vie éternelle, il faut être éclairé par celui qui la donne. Seul peut montrer le chemin celui qui fonde le savoir et en dispose. On ne trouve que ce dont on procède soi-même. Seul peut nous aider à scruter les mystères celui qui les connaît, car il voit tout : personne n’échappe à son œil. (p. 183) Lorsque le grain est semé, il est d’abord caché dans la terre. Puis la nature le fait lever, de sorte que son mystère devienne visible. Alors tout le monde peut voir quelle était la semence. Le cœur de l’homme est le grain. Par le travail de la nature, il produit le corps. On voit le corps et, par lui, on sait comment était le cœur. Certes, les différences entre les hommes sont moins facilement reconnaissables qu’entre les fleurs ou entre les arbres, cependant la science des signatures donne toute la lumière à l’adepte qui s’applique à découvrir la nature des personnes. (p. 199) L’homme est de la terre : homo vient de humus. Apollon est le firmament. Il est le corps et l’esprit du firmament. Pourquoi toujours nous contenter des leçons des hommes s’il n’est qu’un tas de matière fétide ? Absolument rien ne nous empêche de chercher un autre maître. Gardons à l’esprit ce que le Christ a dit : celui qui est né d’en haut, ses paroles viennent d’en haut. Seul peut parler du ciel celui qui a été au ciel et qui témoigne de ce qu’il a vu et entendu. Celui qui est de la terre, parle des choses terrestres. (p. 209). Le royaume de Dieu est parmi nous. Ne sommes-nous pas comblés ? Certes, mais pour que la parole entre en l’homme, il faut que la puissance d’en haut la vivifie. S’il n’a pas cette force en lui, l’homme n’est que vacuité : sine tua numine, nihil est in homine. Ce que nous lisons n’est que la lettre, même si le texte a été dicté par le maître qui sait parce qu’il est la vérité. Le trésor est le sens qui est enfermé dans la lettre et qu’il faut extraire. Seul ce maître peut nous communiquer le sens. En effet, le sens ne s’écrit pas. Plus une chose est essentielle, moins le sens apparaît. Ce qui est écrit, est un mémorial qui peut montrer la voie, mais sans révéler le sens. Il faut donc qu’il nous soit donné par qui le possède, sinon nous n’aurons en nous que le vide. (p. 212) Qui t’interdirait de lire Paul, les prophètes, les évangiles, et d’examiner les textes ? Ce sont d’excellentes lectures. Cependant tu ne trouveras pas le sens à même le papier. Seul peut le livrer celui qui l’y a enfermé. (p. 213) C’est vrai pour la théologie, mais aussi pour la philosophia adepta. Elle n’est pas une science qui vient des hommes. Elle émane de la puissance supérieure qui est le firmament. Il n’est pas donné aux hommes de l’enseigner. Ils peuvent en parler et écrire sur elle lorsqu’ils l’ont reçue de l’Esprit qui en est la plénitude. Encore ne pourront-ils en communiquer le sens. Ceux qui les auront entendus ou qui les auront lus, devront eux-mêmes le trouver à la source (p. 213) La parole de Dieu était invisible. Dieu en a fait le monde visible. Ce monde est la parole que nous voyons, que nous touchons. Dieu ne se plaît pas seulement dans l’invisible, mais aussi dans les œuvres visibles qui sont la réalité matérielle, substantielle de sa parole. C’est pourquoi, lorsqu’il eut achevé la création, il jugea que tout ce qu’il avait fait, était très bon. L’invisible était devenu visible. La parole immatérielle avait donné naissance au monde sensible. (p. 267) L’âme naît de la parole de Dieu. Elle est la parole de Dieu qui retourne à Dieu. Elle est l’haleine sortie de la bouche de Dieu et que la nature habille de chair corruptible dans l’attente de la chair vivante qui sera le fruit de la foi. (p. 272) L’âme reste attachée à l’homme après sa mort. L’âme des élus subsiste sans son enveloppe terrestre. Notre âme s’éveillera dans la chair nouvelle, toutefois à condition que nous en ayons été revêtus, car ceux qui auront été maudits, ne pourront espérer la résurrection. Privés de cette chair nouvelle, ils ne verront pas Dieu, leur Rédempteur. Seuls le contempleront les justes à qui Fils de l’homme aura dit : « Venez, les bénis de mon Père ». (p. 277) C’est parce que nous sommes destinés à cette gloire que l’âme nous a été donnée. Elle est l’ange que nous devons suivre sur la voie de l’éternité. Cet ange n’est autre que l’homme libéré de son enveloppe terrestre. Il est l’homme qui l’a engendré. Il est son fond intime et son être véritable. (p. 277) Chacun brille de sa lumière propre, mais toutes les lumières se justifient du point de vue de Dieu et donc elles s’accordent. Toutes ont leur utilité, aucune ne doit faire pâlir l’autre. Il faut que chacun accomplisse la volonté de Dieu suivant le don qu’il aura reçu à sa naissance. Que celui qui est forgeron, soit un bon forgeron ! Que l’apôtre suive la voie que Dieu lui a tracée. (p. 330) Le mal n’est pas un principe qui existerait dès le tout premier commencement. Il n’apparaît qu’au moment où la créature, ange ou homme, pervertit le bien pour lequel elle a été créée. Mais ensuite, dans toute l’étendue de la création, il coexiste avec le bien. Pourquoi Dieu a-t-il permis qu’il en fût ainsi ? Dieu a voulu mettre les anges à l’épreuve, tout comme les hommes. La perfection demande à être éprouvée. (p. 352) Pour éprouver les anges, Dieu a cessé de les conduire de sa main. Dès lors, ils eurent à se déterminer par leur libre arbitre. Privé de la vraie lumière, chacun, éclairé par la seule raison, découvrit l’image de lui-même. Certains furent séduits par cette image. Ils se plurent tellement à se contempler qu’ils crurent pouvoir se passer de Dieu. Ils s’estimèrent supérieurs à Dieu. Ces anges étaient les plus richement dotés. Les autres, les plus pauvres, n’ont pas été emportés par l’orgueil et ils ont persévéré. Ils n’ont pas été chassés de la maison de Dieu. (p. 356) |