Écrit par : Fabre du Bosquet
Titre : Concordance mytho-physico-cabalo-hermétique, suivi du Traité préliminaire de physique
Date de parution : 2002
Éditeur : Le Mercure Dauphinois
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Fabre du Bosquet, Concordance mytho-physico-cabalo-hermétique, suivi du Traité préliminaire de physique, préface de C. d’Hooghvorst, Le Mercure Dauphinois, Grenoble, 2002, 128 pp. «Voici donc que réapparaît, en ce siècle où l’ignorance a rendu les hommes insensibles au mystère de leur Vie, le Témoignage toujours identique des Maîtres du Savoir ; en ce siècle où le triomphe de l’intelligence hypertrophiée de l’homme exilé a engendré la science du progrès matériel qui n’est en réalité qu’une tromperie toujours renouvelée.» (Préface, p. 6) Ces mots, plus que jamais d’actualité, introduisent un ouvrage passionnant, dont Charles d’Hooghvorst acquit en 1954, des mains de Claude d’Ygé, un des trois manuscrits actuellement connus dans le monde. Son frère Emmanuel en recommandait la lecture à ceux qui, en débutants curieux, veulent faire connaissance avec l’alchimie ; ce qui n’ôte rien à la valeur que peut revêtir le texte aux yeux de chercheurs confirmés : EH en cite des extraits à plusieurs reprises dans son Fil de Pénélope. Une particularité du livre, rédigé vers la fin du XVIIIe siècle, est qu’il y est beaucoup question du fameux phlogistique – dont la chimie moderne a peut-être un peu vite nié la réalité expérimentale. Comme le déclare son titre aux allures apparemment pompeuses, l’ouvrage met surtout en lumière la concordance entre mythologie, physique, cabale et hermétisme. Il fourmille d’enseignements intéressants. Citons-en quelques-uns, qui sont très loin d’être exhaustifs : «Le premier embarras qu’éprouvent ceux qui commencent à étudier la Science de la Nature, est celui de trouver la vraie matière […]. Hercule fut donc chercher Nérée [son nom signifie “humide”] ; mais il eut d’autant plus de peine à le trouver, et surtout à le distinguer, qu’à chaque instant, celui-ci prenait des formes nouvelles, parce que cette matière étant susceptible de toutes les formes n’en a aucune de déterminée ; elle devient huile dans la noix et dans l’olive, vin dans le raisin, amère dans l’absinthe, douce dans le sucre, meurtrière dans la ciguë, bienfaisante dans la sauge, etc. Cependant, Hercule le chercha avec tant d’opiniâtreté qu’il le trouva enfin couvert de haillons qui le rendent vil aux yeux du vulgaire ; c’est-à-dire qu’il le trouva sous cette forme qui n’en est point une, en quelque manière, et qui ne présente rien de gracieux, ni de spécifié, telle qu’est la première matière de l’œuvre.» (pp. 18 et 19) «Le corps de l’homme est un principe de mort analogue à cette masse informe de laquelle Dieu forma le monde, il représente les ténèbres, l’esprit de l’homme tient et participe de cette substance animée par l’esprit de Dieu qui au commencement se promenait sur les Eaux [Genèse 1, 2] […]. Pour parvenir à la connaissance de la Nature, il faut remonter à cet esprit de Dieu qui se promenait sur les Eaux, parce qu’il n’y a que lui qui contienne la vie et que ce n’est qu’avec lui seul qu’on peut composer la médecine universelle des philosophes.» (pp. 28 et 29) «Quelque exécration que la théologie égyptienne ait vouée à Typhon, il n’en est cependant pas moins vrai que sans lui Isis et Osiris ne pourraient être congelés et rendus sensibles, en sorte que c’est à cette déité impure que les sages doivent la connaissance de leur première matière, qui sans cette cause de condensation demeurerait invisible et impalpable comme elle l’est dans l’air. Isis et Osiris contractèrent mariage, dit Manéthon, dans le ventre de leur mère et Isis en sortit enceinte d’Aruéris ou Horus. De la réunion des deux premiers principes naît en effet un troisième qui est leur fils, qui renferme et contient en lui son père et sa mère quant à leur substance radicale, c’est-à-dire que lorsque les deux principes qui constituent la matière pure de l’art hermétique avaient été portés par les manipulations de l’artiste à cet état de pureté, ils n’étaient plus appelés ni connus sous les noms d’Isis et Osiris, ou première matière chaotique ; mais dans cet état de purification, ils étaient la matière des sages désignée sous le nom d’Horus par qui Typhon fut tué ; c’est-à-dire encore, qu’alors Isis et Osiris, qui sont les principes de toute vie dont Horus est formé, sont débarrassés des principes de destruction et de mort, qui sont le Typhon, le Phlogistique, ou les vapeurs de la terre qui les avaient condensés.» (p. 41) «Vulcain fit un rets qui enveloppa Mars et Vénus, parce que les vapeurs ou le phlogistique qui enveloppent sans cesse le feu central sont le filet qui enchaîne Mars et Vénus. Ce filet est la même substance que Typhon qui condense Isis et Osiris.» (p. 43) «“Il monte de la terre au ciel et derechef descend en terre, et reçoit la force des choses supérieures et des inférieures” [Hermès] : cette opération se passe dans le vase de l’artiste ; c’est l’effet de la circulation, au moyen de laquelle les vertus de la substance volatile se communiquent, se mêlent et se confondent avec celle de la substance fixe qui est au fond du vase, comme les vertus de la partie fixe se mêlent avec les vertus de la volatile.» (p. 55) «“Ainsi le monde fut créé” : Hermès a voulu dire par là, comme je l’ai déjà observé, que la création de la pierre des Sages semble être une copie calquée sur la Création de l’Univers.» (p. 56) «Jusqu’à ce que le mercure d’en bas ou terrestre ait attiré le mercure d’en haut ou céleste, l’artiste ne possède que les ailes attachées aux pieds de Mercure ; c’est-à-dire qu’il ne possède encore que la moitié du tout.» (p. 60) «Hébé, fille de Junon ou de la première matière des philosophes, ne pouvait épouser qu’Hercule ou l’artiste. Elle était le fruit des travaux de celui-ci ; elle devait être sa récompense, mais Hercule ne pouvait l’épouser qu’étant parvenu à la dignité de demi-dieu. Il le devint par sa mort, c’est-à-dire que sa mort ne fut autre chose que le passage d’homme, comme le reste des hommes, à la dignité de philosophe, que l’on peut en effet regarder comme un demi-dieu. Hébé [“Jeunesse”] représente la fontaine de jouvence dont tout vrai philosophe est nécessairement en possession.» (p. 64) «Cet esprit qu’on appelle instinct quand il s’agit des bêtes, déterminé et absolument spécifié dans chaque animal, ne l’est point du tout dans l’homme, parce que celui de l’homme est l’abrégé et la quintessence de tous les esprits qui, lors de la création universelle, furent créés avant le sien ; aussi l’homme n’a-t-il pas un caractère qui lui soit propre ; il les réunit tous en lui en lui, au lieu que chaque animal a celui qui n’est propre qu’à lui.» (p. 72) «Les punitions qu’éprouvent les hommes coupables après leur mort, ne sont que des illusions perpétuelles, des imaginations fantastiques et bizarres, qui leur font désirer avec fureur ce qu’ils ne peuvent obtenir ; l’objet de leurs désirs est le mal en lui-même et tout ce qui en dérive, le mépris des autres, l’aversion, la haine, la fureur, la vengeance, la cruauté et tous les effets contraires au bonheur de l’homme et à la société. Il est une lumière divine dans le monde spirituel dont l’homme ne peut se faire qu’une idée vague et confuse, mais dont l’aspect et la vue cause la joie et fait le bonheur des habitants du monde spirituel ; les hommes qui dans ce bas monde ont été bons et justes, peuvent seuls en soutenir l’éclat et la majesté. Les hommes, au contraire, qui pendant leur vie ont abusé des dons de Dieu (c’est-à-dire de leur cœur et de leur raison) ne peuvent soutenir la splendeur de cette vive lumière, ils la craignent, ils la fuient même, parce qu’elle pénètre jusque dans les replis les plus cachés de leur corps spirituel ; elle met au plus grand jour aux yeux des habitants du monde céleste, comme à leurs propres yeux, les crimes, les forfaits, les injustices, dont l’esprit de vengeance, d’ambition, d’avarice et de cupidité les a rendus coupables sur la terre qu’ils habitaient ; les crimes et les vices des hommes se gravent ineffaçablement pendant leur vie, à mesure qu’ils s’y livrent, dans la région du cœur et du cerveau de leur corps intérieur, de manière que dans le monde céleste leur corps spirituel, se trouvant diaphane et transparent comme l’air, est pénétré des rayons de la lumière divine et laisse lire, comme dans un livre, aux esprits des hommes justes, les atrocités que ces hommes pervers avaient eu l’art de déguiser dans ce bas monde, où leurs passions étaient couvertes d’une écorce impénétrable aux yeux de leurs semblables. La honte et l’opprobre de paraître aux yeux de leurs parents, de leurs amis, de leurs connaissances, différents de ce qu’ils avaient voulu paraître pendant leur vie, les fait éloigner de cette lumière de justice et de vérité et se précipiter de leur propre mouvement dans les ténèbres où cette lumière ne pénètre jamais ; ils y errent dans l’illusion et dans l’aveuglement ; la consolation d’y reconnaître leurs parents, leurs amis, qui comme eux s’y sont précipités, leur est refusée ; ils en deviennent même quelquefois leurs persécuteurs. C’est la punition des méchants. […] Les esprits moins coupables, quoique très éloignés de la lumière divine, ne la perdent cependant pas absolument de vue, et lorsque les instigations des mauvais esprits qui les avoisinent, n’ont pu les déterminer à s’en séparer tout à fait, ils s’en rapprochent peu à peu. Les traces des actions répréhensibles gravées dans leur corps spirituel, s’en effacent en raison du chemin qu’ils font vers la lumière divine, et en raison de la vérité de leur repentir ; et enfin, avec le temps et les prières, ils parviennent à jouir de la béatitude des justes. C’est à ces esprits que se rapporte le passage de la prière pour les morts : et lux perpetua luceat eis [“et que la lumière perpétuelle luise pour eux”]. Je ne serais pas éloigné de croire que les prières ferventes des hommes justes en faveur des morts, aidées de leur repentir, ne puissent les rapprocher en moins de temps de la lumière divine.» (pp. 87 à 89) «Qu’ils [les hommes curieux d’entrer en contact avec des esprits ténébreux] s’appliquent à chercher et à découvrir, sur leur visage, les yeux des esprits qui leur apparaissent, dans des corps fantastiques, soit immédiatement, soit à travers de l’eau d’un flacon, ou soit par la réflexion d’une glace ; ils se convaincront, par l’inutilité de leurs recherches, que ces esprits n’en ont point.» (p. 94) «Il serait à souhaiter que l’homme, au lieu de chercher à s’étourdir sur son dépérissement progressif, mît toute son application et toutes ses ressources à le prévenir et à en arrêter le cours par les moyens simples que la nature lui présente.» (p. 121) «Il n’est plus permis de douter que le fluide lumineux, dont l’air est le canal et le véhicule, et qui est rendu propre à l’homme par le ferment de même essence qui est spécifié en lui, ne soit le principal soutient de sa vie. C’est donc en lui seul que réside l’unique et absolu moyen de prolonger ses jours. Les effets que produit l’air bien purement déphlogistiqué sur les animaux qui l’aspirent est une preuve aussi naturelle que physique de la possibilité d’accroître le sujet de la vie, et par une subséquence également naturelle, cette expérience donne lieu à penser que, s’il était possible de condenser et de rendre sensible le fluide vivifiant qu’il contient, on aurait très certainement trouvé la panacée universelle dont les patriarches, les prophètes, les Égyptiens, les druides et les philosophes hermétiques ont décrit la puissance, les vertus et les merveilleux effets. On se convaincra, par la lecture réfléchie de cet ouvrage, non seulement de la possibilité de condenser l’air et son fluide lumineux, mais encore de l’attirer et de le corporifier dans la même opération, par un attrament produit par ce même fluide, en sorte que, semblable à l’attrament que la nature a placé dans le sein de tous les animaux, celui des philosophes attire et s’homogène le fluide vital de l’air avec lequel la médecine des trois règnes de la nature doit être composé.» (pp. 121 et 122) _________________________________________________________________
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