Écrit par : Michaël Maïer - Hans
van Kasteel (trad.)
Titre : La Table d'or
Date de parution : 2015
Éditeur : Beya
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Michaël Maïer, La Table d'or, trad. H. van Kasteel, Beya, n° 18, 2015, Grez-Doiceau, 653 pp. Les éditions Beya (n° 18) offrent, pour la première fois en français, la Table d'Or de Michaël Maïer (1568-1622), grâce à la traduction de l'éminent philologue Monsieur Hans van Kasteel. Laissons le traducteur de cette « Symbola aureae mensae duodecim nationum » présenter l'ouvrage : « Dans le récit, la vierge Chimie invite à un banquet douze nations (...), réunies autour d’une « table d’or », [qui] paient leur écot en faisant tour à tour l’apologie de leur vénérable hôtesse, souillée par les incessantes attaques d’orgueilleux et d’ignorants incarnés par le seul Pyrgopolynice. (...) Les déclarations [des douze nations] témoignent de leur unanimité, sans toutefois dévoiler ce qui, comme la table même, doit rester à l’état de « symbole ». Il appartient au lecteur, avec l’aide d’Isis, de récolter, de rassembler et de réunir, dans cette fresque impressionnante d’érudition, les enseignements les plus précieux que l’auteur y a éparpillés. » (p. VIII) Michaël Maïer présente chacun des douze personnages avec force détails : leur vie, leur enseignement, leurs compatriotes. C'est ainsi que ce livre renferme une grande quantité d'informations sur les véritables chymistes. « Nous avons cité dans notre ouvrage, par leur nom, tous les artistes chymiques qui nous sont venus à l’esprit, tant pour défendre la chymie que pour démontrer son ancienneté. » (p. 588) Les douze nations et leurs représentants sont :
Voici une sélection d'extraits, qui ne manquera pas de donner au lecteur l'envie de scruter l'ouvrage en entier : À l’obscurité de la réalité même, et au vêtement ténébreux dont la Vérité est recouverte, s’ajoutent le glaucome des yeux de l’esprit et la diversité du langage. (p. 6) Il serait tout aussi aisé de démontrer la vérité de la chimie à ceux qui lui sont hostiles et la haïssent, en leur découvrant tous ses arcanes. Cependant, il serait criminel et sacrilège de les montrer ouvertement à tous ; on ne peut faire appel qu’à des ambages, à des biais, à des détours de toutes sortes, à la manière des marins à qui il arrive de courber leurs voiles en les opposant obliquement au vent pour aller là où ils veulent. C’est pourquoi la vierge Chimie est toujours restée intacte. (p. 22) Quant aux autres dieux païens, c’étaient, dans leurs croyances, des génies, des assesseurs de la divinité suprême dont ils recevaient, par voie de communication, beaucoup de puissance à aider les créatures humaines dans le besoin, les secourir dans la maladie, leur fournir des aliments, augmenter la fertilité de la terre et procurer tout pour l’agrément et les besoins de la vie. À ces génies, ils rendaient des honneurs en quelque sorte secondaires ; par eux, en effet, le Dieu suprême opère ces vertus si excellentes. Plus tard, toutefois, une philosophie fondée sur des opinions humaines, et véhiculant donc d’énormes erreurs, servit de prétexte au culte des idoles et des morts. Après son introduction, ce culte extirpa peu à peu toute la révérence due au Dieu suprême. Dans la suite des temps, il devint impossible d’éradiquer de l’esprit des hommes cette conception pluraliste des dieux. (pp. 39-40) Car l’art ajoute souvent quelque chose à la nature pour la parfaire jusqu’à la fin dernière. Prenons l’exemple de la fabrication du pain : la nature a fait le froment, pour que les hommes s’en nourrissent ; mais c’est l’art, non la nature, qui le parfait à cette fin. (p. 108) L’art, comme on peut s’en convaincre par d’innombrables exemples, amende et parfait la nature. (...) La nature transforme le bois en cendres ; l’art transforme les cendres en verre. On peut en dire autant du pain, de l’esprit du vin, du moût de pommes et de poires, du vin même, de la bière, du vinaigre, du beurre, etc., toutes choses faites à partir d’œuvres naturelles aidées par l’art, et non par la seule nature. La nature les dispose certes toutes en leur propre matière, mais elle n’en tire pas la forme en acte, à moins que l’art ne la secoure et ne suscite ces changements. (pp. 116-117) Cette chose que tu as longtemps cherchée ne s’acquiert ni ne s’accomplit par la violence ou la colère. On l’acquiert par la patience, l’humilité et un amour sûr et très parfait. Dieu accorde cette science divine et pure à ses fidèles et à ses serviteurs, à qui, depuis la nature primitive des choses, il se disposa à l’accorder, par sa force admirable. (p. 171) Morien eut donc raison de le dire : cet art ramène l’homme à la science des biens futurs et l’arrache aux vanités du monde. (p. 173) Les noms de cette racine sont certes multiples, mais si tu examines correctement et dans l’ordre ce qui a été dit plus haut, tu trouveras que sa racine, substance et matière est une. (p. 175) Or tout le labeur consiste à produire la forme, sans laquelle rien ne se fait, même si la matière est très abondante. Cette forme, la nature l’élabore dans le concret, mais l’art dans l’abstrait ; et en cela les chymistes imitent les idées platoniciennes ou les figures mathématiques, qui sont aussi considérées dans l’abstrait. La nature tire la forme du sein de la matière, d’une manière admirable, avec longueur de temps. L’art prend la matière, reste de cet antique chaos, qui a plus de forme en puissance qu’aucune autre ; cette puissance très proche est même toute la forme. Il s’en fabrique une forme selon la manière connue des philosophes, mais non sans vase d’Hermès et sans son sceau. (p. 218) Dans la « Pratique » est célébré le mariage des deux mercures ; Vulcain, cependant, les incarcère bientôt. Au commencement, l’union paraît malheureuse, parce qu’elle se produit aussitôt, non dans la chambre nuptiale, mais en prison. Néanmoins, au temps dû, un fils en naîtra, qui surpassera tous ses ancêtres. Saturne annonce que la conception s’est déjà faite, car l’épouse privée de couleur montrera des taches sur sa face. Ensuite, avant la naissance sort une eau blanche, que la Lune désigne par ses larmes qui tombent par terre. Enfin naît le petit enfant des philosophes, resplendissant d’une chair rouge. (p. 292) Le don ne dépend pas de l’effort de l’homme seul, de son savoir ou d’autres circonstances ; il est gardé dans la main de Dieu. Dieu aiguise ou émousse l’intelligence du chercheur, il donne le pouvoir et le vouloir, en tout et à tous. Qui donc lui extorquera par des menaces, par l’audace ou la violence ? Aucun des géants, pas même en déclarant la guerre au Ciel et en entassant le Pélias sur l’Ossa ! On n’obtient quelque chose de lui dans ce domaine que par prière, lecture, étude, méditation, opération, toutes fréquemment répétées. (p. 372) Par conséquent, puisqu’il faut démontrer la chose par le sens, qu’ils attendent et suspendent leur jugement, jusqu’à ce qu’elle leur soit prouvée par le sens ; sinon, qu’ils accordent foi aux autres, à ceux qui en ont fait l’expérience sensible, ce qui revient au même! (...) Ne te soucie pas des mots des philosophes modernes et anciens, qui diffèrent au sujet de cette science, puisque l’alchimie a placé son siège dans la capacité de l’intellect et dans la démonstration expérimentale. (pp. 434-435) Ces mots de Bacon correspondent à l’aveu de Geber, de n’avoir rien dit là où il a parlé clairement, et d’avoir caché la vérité là où il a parlé allégoriquement. De même, Avicenne annonce haut et fort un gros mensonge, quand il est sur le point d’apporter quelque vérité. Voilà les paradoxes, étrangers à la manière dont la philosophie péripatéticienne en traite ! Mais bien considérés, ils constituent la clef de la chimie, sans laquelle personne ne peut pénétrer l’intention abstruse et obscurcie des artistes chymiques. Car les chymistes écrivent ouvertement, ou la simple vérité ou le mensonge ; or ce n’est pas celle-là qu’ils écrivent ; donc c’est celui-ci. Le mensonge est ce qui est manifeste, quand ils proposent la chose au moyen de figures, de tropes, d’allégories et de transpositions ; la vérité, elle, est cachée. Il faut donc les traverser, comme on traverse de dures écorces, pour atteindre celle-ci, comme un noyau. (pp. 490-491) Car cet art n’est trouvé que grâce à l’étude ininterrompue et à la connaissance des dires des philosophes, ou grâce à un fidèle qui sache informer. Celui qui se montre fainéant dans la lecture des livres, ne pourra être disposé à préparer les choses. De même, il ne peut s’habituer à la pratique avec facilité, celui dont l’esprit refuse de suer dans l’étude théorique. (p. 493) Riche est celui à qui, depuis le haut de l’Olympe, le Père éternel envoie tout ce que les mortels peuvent souhaiter, en exauçant ses vœux, quand il est rempli de la lumière de la foi droite. (p. 643) |