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  • Omar Ibn al-Fāriḍ | L'éloge du vin (Khamriyya) | Paris, Véga, 1980
Écrit par : Omar Ibn al-Faridh
Titre :  L'éloge du vin (al-khamriya)
Date de parution : 1980
Éditeur : Véga

 

Ibn al-Faridh, L’éloge du vin (al-khamriya), Paris, Vega, 1980.

L’éloge du Vin est un poème écrit par le soufi Charaf Addin ‘Omar ben al Faridh, ermite ayant vécu en Égypte entre 1181 et 1235. Il jouit d’une grande notoriété dès son vivant, si bien que même son contemporain, l’illustre métaphysicien andalou Ibn ‘Arabi, lui aurait porté une grande admiration. Les poèmes d’Ibn al Faridh sont d’ailleurs, aujourd’hui encore, chantés lors de rassemblements de derviches tourneurs entrant en extase.

Au présent poème sont joints les commentaires de deux mystiques musulmans. Le premier, Bourini, a vécu au XVIe siècle et propose une interprétation assez grammaticale et littéraliste. Le second est par contre plus versé dans la métaphysique et la mystique. ‘Abdalghani an Nabolosi (1641, Palestine – 1731) s’est en effet consacré à l’étude du « cheikh al akbar » (le plus grand des maîtres) d’Ibn ‘Arabi pendant plusieurs années à Damas, et son commentaire suit donc de près la doctrine de son maître.

Emile Dermenghem, fait en outre précéder son édition de L’éloge du Vin d’un « essai sur la mystique musulmane » écrit de sa plume. Il y parle tout d’abord de la mystique en général et expose ensuite la doctrine soufie en parcourant son histoire et sa pensée ; il s’arrête enfin en profondeur sur les figures d’ Ibn ‘Arabi et d’Ibn al Faridh. Le lecteur curieux y trouvera un aperçu clair et précis de la mystique musulmane.

[Essai sur la mystique musulmane d’Emile Dermenghem]

La vérité est une. La Tradition est universelle, avec ses formes et ses déformations diverses. Les similitudes, en ce cas, ne font que montrer l’unité de la doctrine. Se refusant systématiquement à tenir compte de ce qu’il peut y avoir de vérité objective, les historiens strictement profanes s’efforcent toujours de trouver des influences. Ils forment alors plusieurs hypothèses, toutes plus ou moins vraies ou plus ou moins fausses, incomplètes en tout cas, et souvent assez vaines. (pp. 17-18) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

Le Dieu du Coran n’a en effet, « créé les hommes et les génies que pour l’adorer », c'est-à-dire, pour le connaître et l’aimer, commenteront les mystiques, dont le pur amour et la gloire de Dieu seront les leitmotivs continuels. (p. 29) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

Le persan Jâmî déclare que le soufi a renoncé, non seulement à tout désir en cette vie, mais que sa volonté s’est même désintéressée de la vie future pour adhérer complètement à la volonté de son Seigneur. (p. 32) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

L’on a proposé pour les mots soufi et tasawwouf (soufisme) diverses étymologies : selon certains, ces termes viendraient du verbe sâfa, être pur, du mot grec sophos, sage, et de saff, premier rang, des ahl as souffa, les « gens du banc », pieux compagnons du Prophète, qui couchaient dans un coin de la mosquée de Médine. L’on s’est arrêté à l’étymologie proposée dans le plus ancien traité arabe de soufisme d’Abou Nasr As Sarrâj et qui fait dériver soufi de souf, laine ; l’habit de laine, le froc, ayant été choisi par les premiers ascètes  musulmans, à l’imitation sans doute des moines et ermites chrétiens d’Orient. (pp. 33-34) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

Tout en plaçant l’Esprit au-dessus de la Loi comme Saint Paul, le soufi pouvait, d’une façon générale, penser que la Voie, loin d’être incompatible avec les préceptes de la loi, suppose même leur stricte observance, pourvu que le rite ne fasse pas oublier la réalité intérieure, pourvu que l’observance des préceptes ne fasse pas oublier, comme disait Wâsitî, Celui qui a posé les préceptes. (p. 46) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé... Le royaume de Dieu est au-dedans de nous... Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur... (p. 71) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

Les traités de soufisme répartissent les hommes en diverses catégories, dont les principales sont les suivantes : 1° les ordinaires (brutes, pêcheurs, mondains, « voilés », « distraits ») ; 2° les bons, les pieux, les justes ; 3° les excellents, les saints, les mystiques. Les premiers ne goûtent que les biens de ce monde, les seconds aspirent à ceux de l'autre, au paradis créé, les troisièmes aspirant à la réalité absolue, ne se content que du Créateur. (p. 77) [Essai sur la mystique musulmane – E. Dermenghem]

[IBN AL FARIDH, L’éloge du vin (al khamriya)]

Notre verre était la pleine lune, lui [le vin], il était un soleil ; (p. 109)

Le temps en a si peu conservé qu’il est comme un  secret caché au fond des poitrines. (p. 109)

Il est monté peu à peu du fond des vases, et il n’en reste en vérité que le nom. Qu’il vienne un jour à l’esprit d’un homme, la joie s’empare de celui-ci et le chagrin s’en va. (p. 110)

S’ils arrosaient d’un tel vin la terre d’un tombeau, le mort retrouverait son âme et son corps serait revivifié. (p. 110)

Celui qui tient la coupe, la paume fardée de ce vin, ne s’égarera pas dans la nuit ; il tient un astre dans la main. Un aveugle-né qui le recevrait dans son cœur recouvrerait aussitôt la vue. (p. 111)

On me dit : « décris-le, toi qui es si bien informé de ses qualités ». Oui, en vérité je sais comment le décrire. C’est une limpidité et ce n’est pas de l’eau, c’est une fluidité et ce n’est pas de l’air, c’est une lumière sans feu et un esprit sans corps. Son verbe a préexisté éternellement à toutes les choses existantes, alors qu’il n’y avait ni formes ni images. C’est par lui qu’ici subsistent toutes les choses, mais elles le voilent avec sagesse à qui ne comprend pas. En lui, mon esprit s’est éperdu de telle sorte qu’ils se sont mêlés intimement ; mais ce n’est pas un corps qui est entré dans un corps. (pp. 112-113)

Il est à ta disposition dans les tavernes ; va le prendre dans toute sa splendeur. Qu’il est bon de le boire au son des musiques ! (p. 114)

Qu’il pleure sur lui-même, celui qui a perdu sa vie sans en prendre sa part ! (p. 115)

[Commentaire de l'éloge du vin par Nabolosi et Bourini]

Et c'est encore, ce Vin, la lumière qui brille en tout lieu, et c'est encore le vin de l’Existence véritable et l'appel véridique. (p. 126) [commentaire de Nabolosi]

Si l'homme parfait est pleine lune, il n'y a pas en lui d'hétérogénéité et il ne peut pas s'exprimer ; mais s'il est croissant, son moi l'éclipse un petit peu ; il apparaît alors comme croissant et peut servir les convives (ainsi qu'un échanson). (pp. 130-131) [commentaire de Nabolosi]

Ce croissant devient alors étoile pour guider les hommes, et ceux qui le suivent marchent à sa lumière. (p. 131) [commentaire de Nabolosi]

Il y a donc trois aspects unis et distincts : le parfait et assuré, le gnostique et le guide, l'aspirant sincère. Ce sont trois personnes distinctes ou bien trois rôles distincts d'une même personne : soleil, lune, étoile. (p. 132) [commentaire de Nabolosi]

On peut adorer Dieu sous n'importe quel symbole ; mais l'idolâtrie commence lorsqu'on prend le symbole pour ce qu'il représente, lorsqu'on prend les attributs et les « traces » pour des êtres indépendants. (p. 162) [note de Dermenghem]

Nafs : âme, âme sensitive, animale, inférieure, et rouh : esprit, âme supérieure. L'âme et l'esprit, nephesh et ruach en hébreu. Joseph de Maistre dit que l'âme sensitive est commune à l'animal et à l'homme, lequel a aussi l'esprit. (p. 164) [note de Dermenghem]

À chaque époque, il existe un certain nombre de saints et d'initiés, qui sont comme le « sel de la terre », qui maintiennent les grandes vérités et les grandes vertus. (p. 172)  [note de Dermenghem]

Ibn Al Fâridh compare les saints aux pieux qui soutiennent les tentes des Arabes, car les saints, par leurs vertus, sont cause que le monde se maintient. (p. 172) [note de Dermenghem]

LA PAUME DE CELUI QUI TIENT LA COUPE, c'est la main du mourîd (novice) sincère quand il la met dans celle de l'homme parfait, universel qui guide dans la voie mohammédienne... (p. 175) [commentaire de Nabolosi]

Avec le verre, le poète fait allusion au cheikh parfait, et avec le Vin à la Vérité de l'Existence. (p. 177) [commentaire de Nabolosi]

Le COUVERCLE symbolise le voile derrière lequel le Vin se cache aux intelligences humaines. Ce voile, c'est la raison humaine qui est le couvercle de ce vin quand il l'ignore, et son filtre quand il le connaît. (p. 196) [commentaire de Nabolosi]

Il (le vin) n'est pas palpable comme l'eau ; il n'est pas saisissable et impur comme l'est encore l'air ; c'est un esprit pur sans aucun support charnel. (p. 201) [commentaire de Nabolosi]

Les Attributs et les Noms divins se sont révélés aux créatures, par l'intermédiaire des prophètes et des envoyés (sur eux la paix!), par miséricorde à leur égard ; (p. 228) [commentaire de Nabolosi]

Le sanskrit Paradêcha (contrée suprême), le Pardes de la kabbale, le Paradis, désigne souvent la Connaissance initiatique restaurant l'état édénique. (pp. 238-239) [note de Dermenghem]

En effaçant le point du ghain sur le mot qui transcrit cette lettre, on a : 'ain, qui signifie essence. [...] Quand 'ain est débarrassé de son point, commente Lahijî, ghain, obscurité de l'être contingent, est sublimé en 'ain, l'essence divine, l'être absolu. (p. 251) [note de Dermenghem]

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