Écrit par : Al-Sulamī
Titre : Futuwah, Traité de
Chevalerie Soufie
Date de parution : 2012
Éditeur : Albain Michel
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Futuwah, Traité de Chevalerie Soufie, Traduction et introduction par Faouzi Skali, Paris, Albain Michel, 2012 (« Spiritualités vivantes »), 153 pp. Le terme arabe futūwwa signifie « jeunesse », « noblesse », « qualité de chevalier ». Dans le soufisme médiéval, il fait référence à un ensemble de vertus éthiques et spirituelles que doit posséder ou cultiver le chevalier. Au cours du présent traité, al-Sulamī (932-1021) nous explique en détail les différents aspects de cette richissime tradition. Ce traité est constitué d’une succession de définitions de la Futuwah : « La Futuwah est... ». Chaque définition est illustrée par un ou plusieurs exemples, souvent des hadīth du Prophète ou dires d’autres saints de la tradition soufie. Le traducteur, Faouzi Skali y présente une introduction très intéressante sur l’Islam, la spiritualité musulmane, le soufisme, la connaissance en Islam. Vu la forme de cette œuvre, il nous semble impossible d’en donner un résumé à proprement parler. Voici par contre un condensé des définitions qui nous paraissent illustrer le mieux ce qu’est la Futuwah : La Futuwah consiste à d’abord purifier son âme avant de revêtir les habits des hommes de sainteté. (p. 57) La Futuwah est l’influence de l’invocation divine (Dhikr) sur la vie intérieure et extérieure du serviteur de Dieu. (p. 65) La Futuwah est que tu ne sois détourné de Dieu par aucune chose de ce monde ou de l’au-delà. (p. 66) La Futuwah consiste à accepter les paroles des sages même si celles-ci ne sont tout d’abord pas comprises jusqu’à ce que la Barakah propre à cette attitude nous en fasse finalement saisir la véritable signification. (p. 69) La Futuwah est de se libérer du monde et de ce qu’il contient afin de se faire le serviteur du Maître des mondes (p. 72) La Futuwah est que rien ne détourne le serviteur de la conscience de son Seigneur et que, dans sa quête, il sache endurer maux et épreuves. [...] (p. 74) La Futuwah est de passer du savoir à la connaissance et de la connaissance au dévoilement et de celui-ci à la contemplation de l’Essence divine en ayant la certitude cependant que personne ne peut atteindre cette connaissance dans Son Absolu. (p. 76) La Futuwah est que ta confiance en Dieu puisse te conduire au-delà de ta simple prétention à t’en remettre à lui. (p. 83) La Futuwah est que le serviteur de Dieu soit plus attentif à son for intérieur qu’à son apparence extérieure. Car son for intérieur est le lieu où se pose le regard de Dieu – exalté soit-il ! – alors que l’extérieur est celui où se pose le regard des êtres créés. (p. 96) La Futuwah consiste à s’en remettre à Dieu dans toutes les situations. [...] (p. 109) Terminons par quelques citations remarquables. Il s’agit, pour la plupart, d’exemples illustrant ces définitions. Par souci de brièveté, nous avons choisi de reproduire uniquement les citations, leurs auteurs pouvant être facilement retrouvés dans l’ouvrage, aux pages indiquées : On rapporte aussi cette parole de l’imam Malik : « La science ne consiste pas (en l’apprentissage) d’une multitude de versions (Riwayat) : elle est une lumière que Dieu dépose où il veut » (p. 20) Celui dont la relation avec Dieu est sincère doit méditer Son Livre avec attention, préférer Son Verbe à toute autre parole et suivre ses convenances, Ses ordres et ce par quoi il a été interpellé. Celui dont la relation avec l’envoyé de Dieu est sincère doit se mettre sur les traces de sa noblesse de caractère, de ses traditions, s’inspirer de ses qualités et le prendre pour modèle pour tout ce qu’il doit faire ou laisser de côté. Celui dont l’amitié avec les hommes de sainteté est sincère doit suivre leur voie et leur exemple, s’inspirer de leur politesse spirituelle et appliquer leurs préceptes. S’il venait à déchoir de ce degré il serait perdu. (p. 62) Un homme serait pour Dieu sans valeur s’il continuait à se soucier de sa subsistance alors qu’il a reçu à ce sujet une garantie divine. (p. 62) [À comparer avec Mattieu, VI, 24-34] Ô mon Dieu, mon seul souci en ce monde est de me souvenir de Toi, et pour l’au-delà mon seul souci est de te voir, après cela, fais de moi ce qu’il te plaira. (p. 66) Ce soir, dans une brève contemplation, mon âme s’entendit dire : Ô Sari. J’ai tout d’abord créé les hommes et tous se tournaient vers moi et venaient à Moi. Lorsque je leur ai montré le monde les neuf dixièmes d’entre eux s’y attachèrent, les autres seuls restèrent avec moi. J’ai parlé à des derniers du Paradis, neuf dixièmes d’entre eux le désirèrent, le dixième me restant attaché. Lorsque je déversai sur ces derniers maux et épreuves ils s’affaiblirent, appelèrent au secours et les neuf dixièmes d’entre eux s’éloignèrent de moi. Je dis alors à ceux qui restaient : vous n’avez désiré ni le monde ni le paradis et vous ne vous êtes point enfuis de Mes épreuves. Ils dirent : tu sais bien Seigneur ce que nous désirons ! Je dis : je déverserai sur vous des épreuves telles que les montagnes elles-mêmes les plus enracinées ne pourraient les supporter. Ils dirent : nous acceptons, Seigneur, tant que cela vient de Toi. (pp. 74-75) Cet extrait peut certainement être comparé à ce verset du Message Retrouvé de Louis Cattiaux : « Quand nous aurons rejoint la lumière de l'Unique, tous ceux qui ont des désirs les verront s'accomplir et ils nageront dans la plénitude de Dieu. Mais ceux qui n'auront pas de désirs verront Dieu, ils entreront en Dieu et Dieu pénétrera en eux, et ils reposeront dans le vide de Dieu qui est le moyeu de la plénitude de Dieu. Mais cela est réservé à un petit nombre d'élus, qui possèdent l'huile de l'amour et de la connaissance.» (MR, XXII, 54') Ou avec celui-ci : « Ne nous égarons pas dans la dispersion de nos cœurs, ni dans l'agitation de nos esprits, ni dans les travaux de nos mains. Demeurons plutôt dans la persévérance de la quête de l'Unique, qui nous comblera bien au-delà de nos désirs. » (MR, XX, 57') Quelles sont les caractéristiques des soufis ? « ... Des hommes qui ont été fidèles au pacte qu’ils avaient conclu avec Dieu... » (Coran, 33, 23) Dieu a rendu accessible à tous la connaissance formelle de la religion et a réservé la dimension intérieure de celle-ci à Ses saints, réservant ses dévoilements à ceux dont il a purifié le cœur et Sa contemplation directe à ceux qu’Il a particulièrement aimés. Il reste cependant voilé à toute la création. Chaque fois que les hommes croient Le connaître, ils se trouvent dans une perplexité nouvelle. Ils sont voilés alors même qu’ils pensent avoir atteint le dévoilement. Ils sont aveuglés alors même qu’ils pensent être dans la certitude de voir. Louange à celui dont le mystère est pure merveille, rien de ce qui vient de Lui ne doit nous paraître étrange. (pp. 76-77) Si un homme est marqué du sceau du disciple et est accepté dans le cercle des gens de la voie, ne le rejette pas loin de toi même s’il devait commettre cent erreurs. Mais ne permets pas l’entrée de ce cercle à ceux qui cherchent avant tout les avantages de ce monde, même s’ils devaient faire montre de cent bonnes actions, avant d’avoir soigneusement le sens de ces dernières. (pp. 77-78) Dieu s’est engagé à satisfaire les besoins de Sa création et à pourvoir à sa subsistance. C’est pourquoi les hommes de Dieu ont trouvé la paix en plaçant leur confiance en Lui, ne souhaitant ni n’acceptant que ce que Lui-même donne. (p. 83) Il serait indigne des gens de pureté d’attendre quoi que ce soit d’autrui après qu’ils ont placé leur confiance en la Seigneurie divine. Par elle s’efface le moindre doute des cœurs qui réalisent alors l’unité de la Réalité divine. (pp. 83-84) J’ai dit au Prophète : Vois-tu, s’il m’était donné de formuler des prières la nuit du destin, que pourrais-je demander ? Il dit : Demande à Dieu le pardon, le bien-être physique et Sa protection dans ce monde et dans l’au-delà. [...] N’était-ce le pardon de Dieu, rien d’autre ne pourrait être espéré. (p. 87) Il faut aussi éviter dans tes moments libres le compagnonnage des prétentieux et des innovateurs et de ceux qui apparaissent sous les aspects des ascètes avec pour seul but d’avoir des disciples et de les exploiter. (p. 92) La vanité empêche de parvenir à la connaissance de la valeur réelle de soi-même, la précipitation empêche d’atteindre à la vérité et douceur et détermination empêchent de tomber dans les regrets... Il n’y a de Puissance qu’en Dieu ! (p. 93) Les regrets de ce qui est passé et les soucis de ce qui reste finissent par annihiler la bénédiction de ta vie. (p. 94) Embellis ton âme en étant scrupuleux et détaché, lave-la par la tristesse et la crainte référentielle, et revêts-la du tissu de la pudeur et de l’amour puis, avec un complet assentiment, remets-la entre les mains de ton Seigneur afin qu’Il l’entoure de Sa protection. (p. 98) La valeur de tout homme se trouve dans sa noblesse d’esprit ; celui dont le seul souci est ce monde n’a en réalité aucune valeur, celui dont le souci est l’au-delà a pour valeur un paradis dont la mesure est celle des cieux et de la terre, et celui dont le seul souci est de parvenir à l’agrément de Dieu – exalté soit-Il ! – ne peut être évalué par autre chose que par l’agrément de Dieu Lui-même. (p.103) Ici encore, nous ne pouvons nous empêcher de mettre l’extrait en rapport avec un verset du Message Retrouvé : « Nous n'obtiendrons que ce que nous désirerons et ce que nous demanderons vraiment, mais nous ne serons comblés que par la vie éternelle corporifiée en Dieu. » (MR, XXIV, 54) J’ai deux grands biens : ma confiance en Dieu et le fait de ne rien attendre de ce qui se trouve entre les mains des hommes. (pp. 109-110) Pardonne d’avance les défauts de celui dont tu connais l’amitié sincère et méfie-toi des bienfaits de celui dont tu connais l’inimitié. (p. 129) |