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  • Michaël Maïer | La Semaine philosophique | Grez-Doiceau, Beya, 2018
Écrit par : Michaël Maïer
Titre :  La Semaine Philosophique
Date de parution : 2018
Éditeur : Beya
 

Michaël Maïer, La Semaine philosophique, Introduction, traduction et notes de Hans van Kasteel, Beya, Grez-Doiceau, 2018, 332 pages.

Les éditions Beya publient un troisième livre (traduction inédite) de Michaël Maïer, après Les Arcanes très secrets et La Table d’or.

Dans ce 24e volume de la collection, la qualité de l’impression et de la couverture, la disposition du texte et des lettrines sont remarquables. La traduction de Monsieur van Kasteel ne se laisse, elle non plus, soumettre à aucune critique.

La structure même de La Semaine philosophique de Maïer en rend la lecture aisée, grâce à la succession des questions et des réponses. Ce traité d’alchymie et d’hermétisme semble donc plus accessible que bien d’autres.

Salomon, Hiram et la reine de Saba se proposent et résolvent 319 énigmes en six jours.

Le grand roi explique, au début de l’ouvrage, le but de leur rencontre :

« Eh bien ! puisque nous nous sommes réunis avant tout pour cultiver la sagesse, j’ai décidé de consacrer cette semaine à un débat commun, en commençant par des choses plus simples, pour aborder, jour après jour, des choses plus composées :
– aujourd’hui, premier jour de la réunion, nous traiterons du ciel et des éléments;
– le deuxième jour, des choses composées des éléments, mais imparfaitement mélangées, appelées « météores » ;
– le troisième jour, des fossiles extraits de la terre, parmi lesquels les métaux l’emportent ;
– le quatrième, de tous les végétaux ;
– le cinquième, des bêtes (animalibus) brutes, pourvues seulement d’une âme (anima) sensitive ;
– le sixième, de l’homme rationnel ;
– le septième, nous honorerons le sabbat et le repos en méditant les choses supra-célestes et la   béatitude éternelle. » (page 41)

Il annonce dès le début le prix à gagner : « Celui qui en sortira vainqueur, aura plus droit au titre d’homme (étant de nature intelligible) que s’il avait de ses propres mains noyé dans le sang et, telle une bête enragée, massacré dix mille ennemis. » (page 42).

 

Michaël Maïer se montre, dans cet écrit de 1620, très savant et philosophe chymiste accompli. Comment ne pas être stupéfait par l’étendue de son érudition ? Il aborde et explique mille sujets, dont les éclipses, les comètes, les mythes, le soufre, le ferment, la rose, le laurier, la teinture, le taureau, le crocodile, l’abeille, les facultés de l’homme ; il s’avère autant astronome, que géographe, historien, anatomiste, médecin, géologue, botaniste, etc. Il jongle avec les découvertes et techniques de son époque, mais surtout il maîtrise la science chymique traditionnelle et universelle des Anciens.

L’envergure de ses connaissances ne peut raisonnablement se comprendre que par « la science infuse » obtenue avec l’aide de Dieu. Un auteur hermétiste contemporain, Louis Cattiaux, nous amène d’ailleurs au même constat, lui qui a laissé des écrits sur la peinture, la philosophie, la religion, la chiromancie, l’alchymie, les plantes, la pêche, la prédiction, la médecine, etc. Maïer mérite donc bien de figurer dans la collection Beya, sur laquelle l’œuvre majeure de Cattiaux exerce une grande influence:

Les choses disent le mot, mais le mot n’est pas dit par les choses. Les mots disent la chose, mais la chose n’est pas dite par les mots[1].

 

L’auteur du XVIIe siècle signale dans son épître dédicatoire : « Ce traité étant consacré aux merveilles de Dieu et aux plus hauts secrets des hommes, j’ai décidé avec raison, de l’offrir et de le dédicacer à une personne éminente. Car la chose qu’il contient n’est point de médiocre valeur, même si elle a été traitée sans souci de perfection : plutôt que d’être simplement sorti de mon esprit, l’ouvrage en a jailli brusquement, d’un accouchement soudain et prématuré. » (page 16)

 

La multitude des sujets traités ne conduit pas à la dispersion, mais l’amant de la vérité doit chercher le vrai sens des allégories, en triant le bon grain de l’ivraie.

« Car l’art est couvert par des allégories, comme la noix ou l’amande par sa coquille, et la tortue par sa carapace. N’importe qui peut s’efforcer de visiter l’intérieur des sanctuaires de l’art, mais il appartient à un seul parmi des milliers d’y parvenir. » (page 167)

« Personne n’est capable de juger au-delà de sa compréhension, de son intelligence ou de son expérience. (...) Même ceux qu’on compte parmi les savants, en entendant ou lisant ce que nous venons de dire, l’appliquent ou l’accommodent à leur propre sandale, en oubliant le proverbe : Que le cordonnier ne juge pas au-delà de la sandale ! » (...) D’autres auteurs, païens ou plus récents, voyant l’énormité et l’absurdité de ces récits, les ont appliqués aux œuvres naturelles que même les rustiques et le vulgaire connaissent : ils n’ont pas fait preuve d’une plus grande compréhension que les rustiques. D’aucuns y ont vu de la morale, comme si l’enseignement moral devait être obscur ou allégorique ! Les lois, par exemple, sont enseignées très explicitement et non par le biais de fables compliquées ; sinon, la diversité de leur matière, claire en soi, rendrait leurs propos ambigus. » (pages 114-115)

« HIRAM : La balle ou l’épi protège et défend le froment contre la rapacité des oiseaux et évite de nous laisser avec des greniers vides : est-ce comparable dans le magistère ?
SALOMON : Oui et même trop comparable : chez un très grand nombre de philosophes, on trouvera à peine deux graines de bon froment, mais un boisseau entier de paille, à condition de parcourir leurs livres d’un bout à l’autre. La cause en est leur envie à l’égard des corneilles et les choucas bavards, enclins à la voracité. » (page 207)
 

Un léger sentiment de déception habite pourtant le lecteur, quand il referme le livre : le sixième jour consacré à l’homme paraît trop court, et surtout, le septième jour demeure caché, ainsi que l’accès au monde intellectuel « séjour éternel de Dieu, des anges et des hommes bienheureux » (page 327).

Mais l’auteur n’oublie pas de l’encourager :

« Me demandes-tu où j’ai puisé ce souffle caché de la sagesse de Salomon ? Sache que ce que Dieu concéda à Salomon immédiatement et, si l’on peut dire, instantanément, il ne le refusera ni à toi ni à moi médiatement, si l’on y consacre prières, méditations, investigations, labeurs, etc. ; et s’il ne le donne pas en entier, il peut au moins en octroyer une partie. » (page 21)

 

Quelques citations glanées par-ci par-là

« SABA : Par quel lien sont conjoints le ciel et la terre ?

SALOMON : Par le même que celui qui lie le fœtus et la mère, ou l’arbre et le fruit. Le fruit a une substance différente de celle de l’arbre, et il y est rattaché par la tige ; le fœtus l’est à la mère par le cordon ombilical : c’est ainsi que la terre est liée au ciel. Car de même que dans le grand monde, le ciel s’incline vers la terre, en considérant le globe aérien qui entoure la terre, et qu’il la féconde et la rend enceinte, de même en est-il dans le monde philosophique. Ici, la terre s’unit au ciel en s’approchant de lui à un point tel qu’il ne pourrait y avoir une plus grande proximité, quoique l’air plus épais intercède, ou plutôt l’eau qui relie les deux, car les deux sont issus de l’eau par raréfaction et condensation. L’eau est donc le lien qui unit la terre et le ciel, et elle joue le rôle de cordon ombilical et de tige, voire de mère et de nourrice. Par l’eau, nous comprenons ici un air plus épais, ou une terre plus ténue. » (page 50)

« Il en ressort que s’il arrive aux philosophes de parler de l’or, il faut discerner s’ils veulent qu’on l’entende de leur or philosophique ou du commun. Ainsi certains affirment que l’or est le sujet propre à l’art, c’est-à-dire le philosophique; et certains le rejettent de l’art, à savoir le commun. » (page 142)

« SABA : Pourquoi les philosophes insistent-ils tellement sur la vilité du sujet d’où est tiré leur soufre ou d’où est faite leur pierre ? En est-il vraiment comme ils le disent ?

SALOMON : La matière de la pierre, que saint Thomas d’Aquin appelle ’eau épaisse’, s’avilit par la putréfaction ou l’inflammation dans le fumier ; ou par son abondance, car aucun endroit n’est sans eau ; ou en raison de la puanteur, de la noirceur et de la nature empoisonnée. Elle n’en est pas moins tenue pour précieuse en raison de la vertu cachée dans cette matière, de l’effet et de la fin. » (page 144)

« Que dire maintenant des champs des philosophes ? Ne produisent-ils pas eux aussi deux cent ou trois cent graines pour une ? Certains témoignent même de mille graines, à condition que l’agriculture ait été pratiquée comme il le faut. Car ici encore, on doit jeter notre semence dans sa propre terre préalablement labourée, ameublie, brisée, aplanie, puis hersée et retournée, afin qu’il se fasse un bon mélange naturel. Ensuite, il faut attendre la bénédiction de Dieu, en ajoutant, autant que nécessaire, l’eau et le feu, c’est-à-dire rosée et chaleur. Alors la nature, n’oubliant pas son devoir, pas plus qu’en produisant le froment, poussera le germe hors de la terre, c’est-à-dire qu’elle donnera forme au cœur de l’embryon végétal et minéral, à partir duquel seront façonnées ensuite progressivement les autres parties. C’est le cœur dont il est souvent question chez les philosophes et Marie, selon lesquels le corps fixe se fait à partir du cœur de Saturne. Car la couleur de ce dernier, lors de la formation du cœur, apparaît la toute première ; la conception et l’imprégnation s’y sont déjà faites. » (page 203)

« Seuls les plus sages savaient pourquoi on célébrait le taureau avec tant de cérémonie. La foule ne cherche jamais le pourquoi des choses, mais se contente de suivre les rites des ancêtres, les supposant prudents et informés de leur origine première. C’est d’ailleurs tout à fait vrai ; les premiers auteurs du culte du taureau n’étaient certainement pas des abrutis, désireux de rendre des honneurs divins à une bête stupide pour des raisons communes, agriculture ou autres pratiques, mais ils les avaient inventés pour des raisons très graves :
– premièrement, pour que la postérité ne perde pas le souvenir de la philosophie, mais le garde solennellement et s’y attarde grâce à ce sujet ; car sans objets qui stimulent les sens et la réminiscence, l’oubli s’insinue facilement chez les hommes, même celui des choses les plus importantes ;
– deuxièmement, pour offrir à ceux qui avaient du flair une occasion de s’enquérir des causes dans un domaine, celui de la philosophie, où les lettres hiéroglyphiques, connues des seuls philosophes, les indiquaient : le taureau ou Apis représentait la matière ; Osiris, Isis et Typhon, les parties du composé ; et ainsi de suite pour les autres figures animales ;
– troisièmement, pour maintenir dans leur devoir les peuples ignorants, éloignés de la vraie religion et du culte divin, au moyen de cette opinion plus ou moins religieuse. » (page 238)

« L’orbe terrestre connu est composé de quatre parties ou portions majeures, délimitées par la mer et l’océan : Europe, Afrique, Asie, Amérique. De même, l’homme se compose de quatre parties ou étendues : tête, poitrine, ventre, membres externes (jambes et pieds, bras et mains). Je prends sur moi d’examiner l’Europe du petit monde : la tête de l’homme ; d’autres se chargeront du reste. » (page 293)

« Quant à la chouette, tous ne voient pas clairement pourquoi elle est consacrée à Minerve ; nous en soupçonnons la raison : Elle se cache dans les ténèbres, pour ne pas devenir la proie des autres oiseaux ; elle vole la nuit par prudence. De même, la sagesse se cache au fond de la nature, c’est-à-dire l’art des arts, la chymie, se tient à couvert pour ne pas s’exposer au pillage des prédateurs et se réfugie à l’ombre des allégories, comme la chouette (noctua). De plus, cet art ne s’acquiert pas sans de nombreuses nuits (noctium) de méditations et de labeurs. » (page 253)


[1]« Le Message Retrouvé », XXXVIII, 59’, dans L. Cattiaux, Art et hermétisme [Œuvres complètes], Beya, Grez-Doiceau, 2005, p. 420.

 

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