Écrit par : Thomas Vaughan
(Eugène Philalèthe)
Titre : Oeuvres complètes
Date de parution : 1999
Éditeur : La Table d'Émeraude
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Th. Vaughan (Eugène Philalèthe), Œuvres complètes, La Table d’Émeraude, Saint-Leu-la-Forêt, 1999, présentation E. d’Hooghvorst, IV + 576 pp.
Eugène Philalèthe (1622-1666), qu’il ne faut pas confondre avec son contemporain Irénée Philalèthe (l’auteur du célèbre L’Entrée ouverte au palais fermé du roi) est le dernier adepte apparu en Occident avant le XXe siècle – ce qui, soit dit en passant, explique les terribles événements majeurs qui ont frappé l’Europe : Révolution française, guerres napoléoniennes, révolution industrielle, les deux Grandes Guerres. Il a fallu le flair du regretté Emmanuel d’Hooghvorst, la compétence du traducteur, Monsieur Clément Rosereau, et la généreuse disponibilité de la défunte revue pionnière Le Fil d’Ariane, pour attirer l’attention des amateurs hermétistes sur les écrits oubliés de ce philosophe génial et en publier, au fur et à mesure, les pages aussi innombrables que passionnantes. Car il ne serait pas exagéré de dire que presque chaque page mériterait d’être citée, tellement le contenu de ces œuvres est à la fois dense, intéressant et – élément non négligeable dans ce genre d’écrits – souvent accessible au lecteur novice dans ce domaine. Sans évidemment révéler le secret des secrets, Philalèthe propose de nombreux commentaires et éclaircissements, de nature cabalistique, théologique, initiatique et alchimique, qui raviront les amateurs. Voici les titres des différents écrits rassemblés dans la présente édition : L’Anthroposophie théomagique, L’Âme magique cachée, L’Homme-Souris, La Magie adamique, Le Traité du ciel terrestre, Lumen de lumine, Aula lucis, Brève Déclaration sur l’œuvre physique de la Fraternité de la Rose+Croix, L’Euphrate, Les Douze Aphorismes magiques et enfin Aqua vitae, non vitis. De nombreuses notes, une bibliographie et plusieurs index utiles complètent l’ouvrage. Quelques extraits qui, nous l’espérons, inciteront de nombreux lecteurs à s’intéresser davantage à ce philosophe aussi rare que précieux : «S’ils voyaient une seule fois la lumière de la Nature, ils pourraient résoudre ces mystères par la raison, lesquels sont pour le moment au-dessus de leur foi.» (p. 45) «Il est étrange de considérer qu’il y a dans la nature des principes immortels et incorruptibles. Notre feu ordinaire, notre feu de cuisine, qui dans une certaine mesure est l’ennemi de toutes les compositions, procède cependant moins à la destruction qu’à la purification de certaines parties. Ceci ressort clairement de la cendre des végétaux, car même si leurs éléments extérieurs les plus faibles expirent sous la violence du feu, leur terre ne peut pour autant être détruite, mais elle est vitrifiée. La fusion et la transparence de cette substance sont occasionnées par l’humide radical, ou eau séminale, du composé. Cette eau résiste à la fureur du feu et n’a aucunement la possibilité d’être vaincue. “Dans cette eau, dit le savant Séverin, réside la rose en hiver”. Ces deux principes ne sont jamais séparés, car la nature ne va pas aussi loin dans ses dissolutions. Lorsque la mort a accompli le pire, il y a une union entre ces deux principes à partir desquels Dieu nous relèvera le dernier jour et nous restaurera en notre constitution spirituelle.» (p. 49) «Je te donnerais le meilleur conseil qui puisse être donné, qui provient d’un poète : “Il faut prier pour obtenir un esprit sain dans un corps sain” (Juvénal, Satires, X, 356).» (p. 110) «La science de Dieu n’est que paille, si on ne la passe au tamis, si elle n’est mue par un désir d’expérimentation.» (p. 160) «Ce qui est certain, c’est qu’il nous est impossible de trouver les mystères par nous-mêmes ; nous avons besoin de l’Esprit de Dieu ou de l’instruction de ses ministres, qu’ils soient des hommes ou des anges.» (p. 173) «[Moïse] découvrit le minéral de l’homme, c’est-à-dire cette substance à partir de laquelle l’homme et toutes les créatures ont été faits. C’est la première matière des philosophes. Moïse l’appelait parfois Eau et parfois Terre. […] Cette substance est donc Terre et Eau, mais ni l’une ni l’autre dans leurs aspects vulgaires ; c’est une Eau épaisse et une Terre subtile. En termes clairs, c’est une masse visqueuse, spermatique, et limoneuse, imprégnée de tous les pouvoirs célestes et terrestres. Les Philosophes l’appellent une Eau qui n’est pas une Eau, une Terre qui n’est pas une Terre. Pourquoi donc Moïse ne pourrait en parler comme eux, et eux comme Moïse ? Ceci est la vraie Terre de Damas, Aphar min Adamah (Genèse, II, 7), à partir de laquelle Dieu a créé l’homme. Et vous qui voulez être chimistes, ne soyez pas plus savants que Dieu ; et employez dans votre Art cette matière que Dieu utilisa dans la nature.» (pp. 188 et 189) «Il est surprenant d’observer l’unité d’esprit et de doctrine existant entre tous les fils de la sagesse. Cela prouve infailliblement qu’il y a un maître d’école universel présent en toute chair et dont les principes sont toujours constants, à savoir l’Esprit de Dieu.» (pp. 193 et 194) «En clair, le Ciel fut à son origine tiré de l’inférieur, mais pas entièrement, car une certaine portion des natures célestes resta en bas, et celles-ci sont exactement les mêmes en substance et en essence que les étoiles et les cieux. Le ciel d’ici-bas n’est différent de celui d’en haut que par sa captivité, et celui d’en haut n’est différent de celui d’en bas que par sa liberté. Tandis que l’un est enfermé dans la matière, l’autre est libéré de sa grossièreté et des impuretés, mais les deux sont d’une unique et même nature, de sorte qu’ils s’unissent facilement. Voilà pourquoi le supérieur descend visiter et réconforter l’inférieur dans sa demeure insalubre et pestilentielle.» (p. 205) «Permets-moi donc, lecteur, de requérir ta patience, car je laisserai cette découverte à Dieu Qui, si telle est Sa volonté bénie, peut t’appeler et te dire : “Voici la Matière, et c’est ainsi que je la travaille”.» (p. 247) «Quand je l’eus dans mes mains, ce n’était pas de l’eau vulgaire, mais comme une sorte d’huile d’aspect humide. Elle était de nature visqueuse, grasse, minérale, éclatante comme des perles et transparente comme du cristal. Lorsque je l’eus bien examinée et soumise à ma recherche, il m’apparut qu’elle était en quelque sorte spermatique, et à la vérité, elle était obscène à la vue et encore bien plus au toucher. Sur ce, Thalie me répondit que c’était la Première Matière, que c’était le vrai sperme, le sperme naturel du grand monde. “Elle est, dit-elle, invisible, et c’est pourquoi il n’y en a que peu qui la trouvent. Mais beaucoup croient qu’on ne peut pas la trouver.”» (p. 294) «Il n’y a aucune science ou connaissance véritable qui ne soit fondée sur des substances sensibles, particulières, ou sur la substance universelle sensible, à partir de laquelle tous les particuliers sont faits.» (p. 300) «Sur l’eau, ou partie humide de ce sperme, l’Esprit de Dieu se mouvait bel et bien, et – dit l’Écriture – “il y avait les ténèbres sur la face de l’abîme” [Genèse, I, 2]. Ceci est un très grand secret, il n’est cependant pas légitime de le publier expressément ni comme la nature de la chose le requiert ; mais dans l’œuvre magique, on peut le voir, et j’en ai été moi-même le témoin oculaire.» (p. 324) «Au commencement, l’éther fut engendré par la réflexion de l’Unité Première sur le cube céleste, car les vives émanations de Dieu s’écoulaient tel un ruisseau se jetant dans la source passive, et en cette analogie, le Samien l’appelle la Fontaine de la Nature perpétuelle. […] De toutes les substances qui viennent en nos mains, l’éther est la première qui nous apporte des nouvelles d’un autre monde et nous dise que nous vivons en un lieu corrompu.» (p. 337) «Venons-en maintenant à leur métempsycose [des philosophes] : elle a, en vérité, occasionné beaucoup d’erreurs concernant l’âme, mais Pythagore l’a appliquée seulement aux réalisations secrètes de la magie. Elle signifie leur dernière transmutation, qui se fait avec l’Élixir ou le Médicament Approprié.» (p. 349) «C’est en fait notre paresse et notre incrédulité qui entravent toutes découvertes.» (p. 406) «Observe, à partir de Lucrèce [cf. Servius, Commentaire sur l’Énéide, XII, 419], que la panacée est un sel. Il est exact que si nous pouvions putréfier le sel, cela mettrait à découvert tous les mystères de la Nature, car toutes les teintures y sont contenues. Détruire cette substance est une tâche ardue, car celui qui voudrait l’entreprendre devrait faire quelque chose de plus que la mort ne peut faire, parce que même la prérogative de cette dernière ne va pas aussi loin. Toutefois, il ne peut être nié que certains sages soient parvenus à la putréfaction des sels. Mais c’est une clé qu’ils ont reçue de Dieu, et c’est le grand secret de leur Art. Ce que j’admire le plus en ceci, c’est que, lorsqu’il est tué, il ne meurt pas, mais recouvre une vie meilleure, ce qui est un très étrange privilège (Énéide, XII, 420-429).» (p. 431)
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