Écrit par : Dom Pernety
Titre : Les Fables égyptiennes
et grecques
Date de parution : 2004
Éditeur : Archè
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Antoine-Joseph Pernety, Les Fables égyptiennes et grecques (tome 1), Archè, Milan, 2004. Dans ses Fables égyptiennes et grecques (1758), Dom Pernety, bénédictin défroqué, ancien conservateur de la bibliothèque de Frédéric II de Prusse, et fondateur des Illuminés d’Avignon, nous offre un remarquable commentaire alchimique de toute la mythologie égyptienne et grecque. S’il avoue n’être lui-même pas philosophe, il suit de si près l’enseignement de Michael Maïer dans Arcana arcanissima et d’autres adeptes que nous pensons pouvoir lui accorder beaucoup de crédit en matière de tradition. Le lecteur ne sera pas déçu ! Il n’est pas un épisode de la mythologie qui ne soit scrupuleusement commenté. Il ressort de l’ouvrage que seule l’interprétation hermétique tient la route, les interprétations historiques et littérales étant une à une réfutées par l’auteur. Mais laissons au lecteur le soin d’en juger par la lecture de ce petit florilège : « Mais enfin en quoi consiste donc la différence qui se trouve entre la Chymie vulgaire et la Chymie Hermétique ? La voici. La première est proprement l’art de détruire les composés que la Nature a fait ; et la seconde est l’art de travailler avec la Nature pour les perfectionner. La première met en usage le Tyran furieux, et destructeur de la Nature : la seconde emploie son agent doux et bénin. La Philosophie Hermétique prend pour matière de son travail les principes secondaires ou principiés des choses, pour les conduire à la perfection dont ils sont susceptibles, par des voies et des procédés conformes à ceux de la Nature. La Chymie vulgaire prend les mixtes parvenus déjà au point de leur perfection, les décompose, et les détruit. » (p. 20-21) « Mais la marque la plus infaillible à laquelle on puisse distinguer un Adepte d’avec un Chymiste, est que l’Adepte, suivant ce qu’en disent tous les Philosophes, ne prend qu’une seule chose, ou tout au plus deux de même nature, un seul vase ou deux au plus, et un seul fourneau pour conduire l’œuvre à sa perfection ; le chymiste au contraire travaille sur toutes sortes de matières indifféremment. C’est aussi la pierre de touche à laquelle il faut éprouver ces frippons de souffleurs, qui en veulent à votre bourse, qui demandent de l’or pour en faire, et qui au lieu d’une transmutation qu’ils vous promettent, ne font en effet qu’une translation de l’or de votre bourse dans la leur. » (p. 21-22) « L’œuvre philosophique est précisément la même chose. D’abord c’est un chaos ténébreux ; tout y paraît tellement confus, qu’on ne peut rien distinguer séparément des principes qui composent la matière de la pierre. Le Ciel des Philosophes est plongé dans les eaux, les ténèbres en couvrent toute la surface ; la lumière enfin s’en sépare ; la Lune et le Soleil se manifestent, et viennent répandre la joie dans le cœur de l’Artiste, et la vie dans la matière. Ce chaos consiste dans le sec et l’humide. Le sec constitue la terre ; l’humide est l’eau. Les ténèbres sont la couleur noire, que les philosophes appellent le noir plus noir que le noir même nigrum nigro nigrius. C’est la nuit philosophique et les ténèbres palpables. La lumière dans la création du monde parut avant le Soleil ; c’est cette blancheur tant désirée de la matière qui succède à la couleur noire. Le Soleil paraît enfin de couleur orangée, dont le rouge se fortifie peu à peu jusqu’à la couleur rouge de pourpre : ce qui fait le complément du premier œuvre. » (p. 25-26) « L’Écriture Sainte nomme cette masse informe tantôt terre vide, et tantôt eau, quoi qu’elle ne fût actuellement ni l’une ni l’autre, mais seulement en puissance. Il serait donc permis de conjecturer qu’elle pouvait être à peu près comme une fumée, ou une vapeur épaisse et ténébreuse, stupide et sans mouvement, engourdie par une espèce de froid, et sans action, jusqu’à ce que la même parole qui créa cette vapeur y infusa un esprit vivifiant, qui devint comme visible et palpable par les effets qu’il y produisit. La séparation des eaux supérieures d’avec les inférieures, dont il est fait mention dans la Genèse, semble s’être faite par une espèce de sublimation des parties les plus subtiles, et les plus tenues d’avec celles qui l’étaient moins, à peu près comme dans une distillation, où les esprits montent et se séparent des parties les plus pesantes, plus terrestres, et occupent le haut du vase, pendant que les plus grossières demeurent au fond. » (p. 53) « Cette opération ne put se faire que par le secours de cet esprit lumineux qui fut infusé dans cette masse. Car la lumière est un esprit igné, qui en agissant sur cette vapeur, et dans elle, tendit quelques parties plus pesantes en les condensant, et devenues opaques par leur adhésion plus étroite ; cet esprit les chassa vers la région inférieure, où elles conservèrent les ténèbres dans lesquelles elles étaient premièrement ensevelies. Les parties plus tenues, et devenues homogènes de plus en plus par l’uniformité de leur ténuité et de leur pureté, furent élevées et poussées vers la région supérieure, où moins condensées elles laissèrent un passage plus libre à la lumière, qui s’y manifesta dans toute sa splendeur. » (p. 53- 54) « Qui saura extraire ce trésor du cœur, et du centre caché des productions de ce bas monde, le dépouiller de l’écorce épaisse, élémentaire, qui le cache à nos yeux ; et le tirer de la prison ténébreuse où il est renfermé, et dans l’inaction, pourra se glorifier de savoir faire la plus précieuse médecine pour soulager le corps humain. » (p. 120) « Je n’entrerai point ici dans le détail des différents mouvements des corps célestes. Moïse n’a presque expliqué que ce qui regarde le globe que nous habitons. Il n’a presque rien dit des autres créatures, sans doute afin que la curiosité humaine trouvât plutôt matière à l’admiration, qu’à former des arguments pour la dispute. L’envie désordonnée de tout savoir tyrannise cependant encore le faible esprit de l’homme. Il ne sait pas se conduire, et il est assez fou pour prescrire au Créateur des règles pour conduire l’Univers. Il forge des systèmes, et parle avec un ton si décisif, qu’on dirait que Dieu l’a consulté pour tirer le monde du néant, et qu’il a suggéré au créateur les lois qui conservent l’harmonie de son mouvement général et particulier. Heureusement les raisonnements de ces prétendus philosophes n’influent en rien sur cette harmonie. Nous aurions lieu d’en craindre des conséquences aussi fâcheuses pour nous, que celle qu’on tire de leurs principes, sont ridicules. Tranquillisons-nous : le monde ira son train autant de temps qu’il plaira à son auteur de le conserver. » (p. 123) « Hermès avait prévu cette décadence du culte divin, et les erreurs des fables qui devaient prendre sa place : « Le temps viendra, dit-il, où les Égyptiens paraîtront avoir inutilement adoré la divinité avec la piété requise, et avoir observé en vain son culte avec tout le zèle et l’exactitude qu’ils devaient… O Égypte, o Égypte, il ne restera de ta religion que les fables ; elles deviendront même incroyables à nos descendants ; les pierres gravées et sculptées seront les seuls monuments de ta piété » (in Asclepio). » (p. 223-224) « L’objet des Philosophes Hermétiques anciens ou modernes, fut toujours d’extraire d’un certain sujet, par des voies naturelles, cet élixir ou cette quintessence, dont parle le P. Kircher ; et d’opérer en suivant les lois de la Nature, de manière à le séparer des parties hétérogènes dans lesquelles il est enveloppé ; afin de le mettre en état d’agir sans obstacles, pour délivrer les trois règnes de la nature de leurs infirmités ; ce qu’on ne saurait guère nier être possible ; puisque cet esprit universel étant l’âme de la Nature, et la base de tous les mixtes, il leur est parfaitement analogue, comme il l’est par ses effets et ses propriétés avec le Soleil ; c’est pourquoi les Philosophes disent que le Soleil est son père et la Lune sa mère. » (p. 238) « Ce qui jette beaucoup d’embarras et d’obscurité sur leur histoire, c’est que dans les temps postérieurs à ceux qui imaginèrent ces Dieux, et ce qu’on leur attribue, des savants, mais peu instruits des intentions et des idées de Mercure trismégiste, regardèrent ces Dieux comme des personnes qui avoient autrefois gouverné l’Égypte avec beaucoup de sagesse et de prudence ; et d’autres comme des êtres immortels de leur nature, qui avaient formé le monde, et arrangé la matière dans la forme qu’elle conserve aujourd’hui. Cette variété de sentiments fit perdre de vue l’objet qu’avait eu l’inventeur de ces fictions, qui les avait d’ailleurs tellement ensevelies dans l’obscurité et les ténèbres des hiéroglyphes, qu’elles étaient inintelligibles et inexplicables dans leur vrai sens, pour tout autre que pour les prêtres seuls confidents de l’Art sacerdotal. » (p. 264) « Pour concilier toutes les contradictions apparentes des auteurs sur la généalogie d’Osiris, il faut se mettre devant les yeux ce qui se passe dans l’œuvre hermétique, et les noms que les philosophes ont donné dans tous les temps aux différents états et aux diverses couleurs principales de la matière dans le cours des opérations. Cette matière est composée d’une chose qui contient deux substances, l’une fixe, l’autre volatile, ou eau et terre. Ils ont appelé l’une mâle, l’autre femelle ; de ces deux réunis naît un troisième, qui se trouve leur fils, sans différer de son père et de sa mère, qu’il renferme en lui, quant à la substance radicale. Le second œuvre est semblable au premier. Cette matière mise dans le vase au feu philosophique appelé Vulcain, se dissout, se putréfie et devient noire par l’action du feu. Elle est alors le Saturne des Philosophes ou Hermétique, qui devient en conséquence fils de Vulcain. » (p. 273-274) « Si le Soleil par sa chaleur est le principe de végétation, ce n’est qu’en excitant le feu assoupi dans les semences, où il reste comme engourdi jusqu’à ce qu’il soit réveillé et animé par un agent extérieur. C’est ce qui arrive aussi dans les opérations de l’Art Hermétique, où le Mercure Philosophique travaille par son action sur la matière fixe, où est comme en prison ce feu inné ; il le développe en rompant ses liens, et le met en état d’agir, pour conduire l’œuvre à la perfection. » (p. 390) « Ne voyons-nous pas qu’un petit œil pris sur un arbre franc, et enté sur un sauvageon, porte des fruits de la même espèce que ceux de l’arbre d’où l’œil a été tiré ? Pourquoi l’art ne réussirait-il pas dans le règne minéral en fournissant aussi l’œil métallique au sauvageon de la Nature, en travaillant avec elle. » (p. 534-535) « C’est donc la semence de Vulcain qui produit Érichthonios. Et si l’on dit qu’Aglaure fut chargée par Minerve d’en avoir soin, sans qu’il lui fût permis de regarder ce que la corbeille contenait, on sent bien qu’une condition telle que celle-là, qui rendait la chose impossible, ne peut avoir été inventée qu’en vue d’une allégorie, de même que sa métamorphose en rocher. C’est en effet une suite de l’allusion au progrès de l’œuvre hermétique. Aglaure signifie éclat, splendeur, et les philosophes appellent de ce nom leur matière parvenue au blanc à mesure qu’elle quitte la noirceur, cet intervalle du blanc au noir est le temps de l’éducation d’Érichtonius. Et si Mercure la changea en rocher, c’est que la matière même se coagule, et devient pierre lorsqu’elle parvient à cet état de blancheur éclatante dont nous venons de parler ; c’est pourquoi les philosophes l’appellent leur pierre au blanc, leur lune, etc. Le mercure étant l’agent principal, produit cette métamorphose. On suppose ce Dieu amoureux d’Hersé, sœur d’Aglaure, parce que œrseisignifie la rosée, et que le mercure philosophique circule alors dans le vase, et retombe comme une rosée. » (p. 577)
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