Écrit par : Didier Kahn
Titre : Le Fixe et le
Volatil. Chimie et Alchimie
de Paracelse à Lavoisier
Date de parution : 2016
Éditeur : CNRS
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D. Kahn, Le Fixe et le Volatil, Chimie et Alchimie de Paracelse à Lavoisier, CNRS, Paris, 2016, 235 pp. Cet ouvrage propose de débarrasser l’alchimie de toute légende pour en présenter une histoire objective. La période couverte commence au Moyen Âge – sans que l’Antiquité tardive soit entièrement passée sous silence – et à la Renaissance, avec la charnière incarnée par Paracelse ; et va jusqu’à Lavoisier (seconde moitié du XVIIIe siècle) et à l’avènement de la chimie moderne. Monsieur Kahn connaît son affaire : les principaux représentants de l’alchimie et leurs ouvrages sont passés en revue, parfois illustrés par une ou plusieurs citations significatives, sans oublier le lien unissant tel alchimiste à ses prédécesseurs, ou l’influence exercée sur ses successeurs. Une attention particulière est accordée à la naissance de la chimie comme science moderne autonome. Cet aspect de l’histoire est souvent mal connu : «La chimie n’est pas fille de Paracelse. Elle n’est pas davantage l’aboutissement logique de l’alchimie : elle en est issue de façon indirecte…» (4e de couverture) Nous pensons ici à ce que l’alchimiste Louis Cattiaux écrit dans son Message Retrouvé : «Leur science est née des interprétations sinistres de l’enseignement des anciens sages» (II, 33). Quiconque s’intéresse à l’histoire de l’alchimie trouvera dans le livre de Monsieur Kahn une vue d’ensemble synthétique, faite de manière très soignée (dont témoigne, entre autres, le fait que nous n’y ayons repéré aucune faute typographique !). Voici quelques citations : «La foi devient corporelle dans le pain et le vin ; elle ne reste pas un esprit sans corps : au contraire, elle devient corps, chair et sang.» (p. 54 ; Paracelse, De Sacramento corporis Christi) «J’en prends la nature à témoin : celui qui veut l’explorer doit piétiner ses livres de ses propres pieds.» (p. 69 ; Paracelse, Sieben Defensiones) «Dans son De vita libri tres (“Trois livres de la vie”, 1489), il [Marsile Ficin] identifiait le spiritus mundi, véhicule de l’âme du monde, avec la quintessence et l’élixir des alchimistes.» (p. 106) «En 1821, un alchimiste par ailleurs inconnu, Samuel Wolsky, rédigea à Paris un traité demeuré lui aussi manuscrit : La Mathématique hermétique dévoilée, où il était successivement question de “l’arithmétique alchimique”, de la “géométrie alchimique” et de la “dynamique alchimique, pour donner l’intelligence complète du Grand Œuvre”. En voici la conclusion : “Pour moi j’ai écrit ce petit traité afin que notre divine mathématique ne mourût pas avec les derniers alchimistes. Je vis dans un siècle où une nouvelle chimie a remplacé l’antique alchimie. Cela, la Providence elle-même l’a voulu. De même qu’autrefois au temps du Christ les marchands s’étaient installés pour vendre leurs marchandises dans la Maison de Dieu, de même les souffleurs menaçaient d’envahir le temple d’Hermès, et peut-être que ne pouvant rompre la porte du sanctuaire, ils l’eussent profané. Mais la Providence veillait. Quand elle vit que la Science d’Hermès n’était plus recherchée que pour l’or qu’elle pouvait procurer, elle suscita Lavoisier. Ce souffleur de génie que j’ai connu personnellement inventa les corps simples et la méthode pour les isoler. La science alchimique fut ainsi sauvée. Grâce à la nouvelle science chimique, on put démontrer que la transmutation des métaux était une utopie irréalisable et le flot des souffleurs, laissant de côté une science désormais prouvée vaine, se rua sur les réalisations industrielles, au grand profit de l’humanité. Mais la science hermétique n’en existe pas moins. Son but, son sujet et sa méthode sont entièrement distincts du but, du sujet et de la méthode alchimique. Les adeptes d’autrefois ne l’ont jamais écrite parce qu’il eût été dangereux de donner ce guide ; mais à présent que l’humanité suit une nouvelle voie, je pense qu’il est bon de ne pas laisser s’éteindre cette partie de notre science. J’ai fait mon devoir en l’écrivant. Si Dieu le juge à propos, elle verra le jour et elle se répandra dans l’Univers sous la forme du livre imprimé. J’ai médité ce traité toute ma vie et je puis dire que j’ai réussi grâce à la méthode que j’ai entièrement développée ici.”» (pp. 180 et 181) _________________________________________________________________
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